On n'a jamais vraiment su si c'était à cause de ses yeux myopes qui ne voyaient pas très bien que Vladimir avait décidé de regarder le monde à travers son appareil photo. Toujours est-il que la photographie devint son métier.
Et l'on n'a jamais très bien su (non plus) si c'était parce qu'il avait été élevé par ses grands-parents, qu'il avait développé un talent particulier pour les portraits de personnes âgées. Toujours est-il que cela devint sa spécialité.
Petit à petit, sa passion s'étendit à d'autres sortes de vieilleries. Dans le square Périmony se cachait un banc sculpté dans de la pierre d'antan. Un bien vieux, bien usé, bien caché sur le bord d'un chemin reculé. "Ce banc est tout simplement parfait !" se dit Vladimir. "Il me faut absolument le photographier". Mais alors qu'il s'apprêtait à appuyer sur le bouton, il se passa quelque chose d'étrange... Il découvrit, venue de nulle part, une fille en robe rouge, assise sur le vieux banc de pierre. Il y avait devant lui... une femme invisible.
Dès le lendemain, porté par l'espoir à peine dissimulé de revoir cette énigmatique créature, Vladimir revint s'asseoir sur le vieux banc de pierre. Malheureusement, quand le carillon sonna 18 heures, le pauvre n'avait pas vu la moindre trace d'invisibilité...
Mon avis :
Une histoire d'amour pleine de poésie, racontée comme un joli conte d'autrefois.
Le texte, riche en rimes et jeux de sonorités, est imprimé sur du papier épais de qualité, et agréablement illustré par des aquarelles aux couleurs vives. La première partie est une sorte d'ode aux choses anciennes, et à travers elle, au temps qui apporte (aussi) de la valeur aux objets et aux événements : "Ça valait le coup d'attendre", devise la vieille Mme Raguenet.
Ensuite se déroule la pittoresque romance de Vladimir le photographe et de Clémence la femme invisible et insaisissable, qui se clôt sur une jolie morale : "Chacun à sa façon peut être une personne extraordinaire".
Un récit à lire en prenant son temps bien sûr, à voix haute pourquoi pas !
Reste à savoir à quel public peut bien s'adresser un texte aussi atypique ?
Patricia Deschamps, août 2015