Un grand-père tombé du ciel

Quand Leah apprend qu'elle va avoir un grand-père, c'est la consternation. Elle avait donc un grand-père qu'elle ne connaissait pas! Et il arrive bientôt pour s'installer chez eux.

C'est ainsi qu'Alex débarque à Paris, avec son mauvais caractère et ses secrets. Mais s'il croit que sa petite-fille va se laisser faire, il se trompe lourdement.

Pour Alex et Leahlé, il va donc falloir s'apprivoiser. Sinon, ce sera la guerre.

(4e de couverture)

Mon avis :

J'ai tout de suite reconnu le style graphique de Marc Lizano (découvert avec "La petite famille"): un dessin enfantin, aux couleurs monochromes tranchées par un trait très noir, que je trouve particulièrement expressif. Il se marie bien avec le caractère trempé de la petite Leah et celui de son "vieux grincheux" de grand-père qui "critique tout". J'ai aussi beaucoup aimé les scènes découpées en plusieurs vignettes comme un puzzle.

Je n'ai pas lu le roman de Yaël Hassan (son tout premier, paru en 1997) mais je n'ai pas été surprise que l'histoire se réfère à la Shoah. On sait dès le départ que le grand-père cache un secret ("Ton grand-père a vécu des choses très difficiles dans sa vie") mais pour la fillette, il est hors de question de supporter sa mauvaise humeur sans broncher! Les scènes où tous deux se jouent de mauvais tours (cacher les lunettes, saler le lait) sont très drôles. C'est là que naît une forme de complicité entre eux.

Mais l'élément déclencheur, c'est le refus de la mère de Claudia d'inviter Leah à l'anniversaire de sa fille: "Elle ne veut pas de juif dans sa maison". Dès lors le grand-père, furieux que l'Histoire se répète ("Je veux plus jamais ça! Plus jamais!"), change du tout au tout. Petit à petit, il se met à raconter son histoire et se replonge dans le passé malgré la souffrance encore vive. Malgré tout ce n'est pas pesant, au contraire on le sent soulagé de partager cette partie de sa vie et les émotions qui y sont liées avec sa petite-fille ("Tu as apporté de la joie dans ma vie"). Et puis c'est une façon de passer le relais dans cet indispensable devoir de mémoire que l'on doit à tous ceux qui ont vécu ce drame: "Il faut des gens pour transmettre tout ça".

C'est un très beau récit, complété par de sympathiques petits jeux (QCM, mots mêlés) en fin d'ouvrage.

Patricia Deschamps, mars 2022