Une chambre d'hôpital. Dans le lit, un garçon. A côté, une fille, qui attend qu'il se réveille. Au travers du coma de Roméo, son histoire : pourquoi, comment, la vie l'a-t-elle amené là ?
(4e de couverture)
"Je suis un garçon sensible
Ma mère dirait mauviette, mon père dirait fragile
Je ne suis que sensible,
Sensiblement différent."
Mon avis :
Un roman en vers libres qui aborde les stéréotypes sur le genre masculin.
"Je suis né garçon / Mais je ne suis pas né comme ceux-là / Dans ce monde brutal / Où il faut taire ses questions / Ses fragilités, ses doutes / Où il faut bander les muscles / Et le reste, coûte que coûte": on parle beaucoup de féminisme dans la littérature ado, et l'on oublie souvent que les garçons aussi s'interrogent sur leur place dans la société et surtout le rôle dans lequel on tend à les enfermer malgré eux.
Roméo vient d'une famille "où on ne parle pas d'amour. On fait comme si ça n'existait pas". Pourtant les garçons ont autant d'attentes et de doutes que les filles... Il est choquant de voir combien ses parents se montrent indifférents à lui ("Que je sois là ou pas, ils ne le remarquent pas"), sa mère lui reproche même de ne pas leur avoir rappelé que c'était son anniversaire ("J'ai 16 ans et personne à qui le dire")! Face à eux, qui "sont morts au-dedans", l'adolescent ne sait pas "comment rester vivant"... Est-ce pour cela qu'il est dans le coma?
A son chevet, une jeune fille: Justine. Justine est la seule à avoir cherché à connaître ce garçon réservé, effacé, dont les seules interactions sociales au lycée sont avec un groupe de harceleurs machos qui l'insultent et le frappent. "Tu es quelqu'un d'étrange...", lui dit Justine, "Je crois que les autres, ça les dérange, mais moi ça me donne envie d'en savoir plus sur ta vie".
Roméo, lui, a souvent eu envie de partir: "Tout plaquer, me tirer ailleurs, vivre autrement (...). Si j'osais, ça pourrait être bien je crois". Mais avec Justine, "Pour la première fois j'ai ce sentiment / D'exister pour de bon / De ne plus être seul / Dans ma tête, dans ma vie". Le texte intitulé "Comme nous brûlons" (p.61) est une anticipation du roman éponyme, que j'ai trouvé, soit dit en passant, encore plus abouti que celui-ci. Roméo rêve de "sentir enfin monter en moi / Ce déferlement, / Intense" qu'est la vie.
Ensemble, ils trouveront la force (et l'idée) de revendiquer publiquement "la liberté d'être soi-même", Justine ayant aussi été victime de la "bande des casiers".
Et les lecteurs·lectrices pourront réfléchir à "C'est quoi être un homme aujourd'hui?", loin des clichés de force et de domination encore trop souvent mis en avant.
Patricia Deschamps, décembre 2024