On n'a jamais une deuxième occasion de faire une bonne première impression.
Gaspard, brillant trisomique de trente ans d'une curiosité insatiable, vit chez ses parents qu'il adore et cumule deux emplois : vendeur dans une boutique de souvenirs made in China le matin et renifleur d'aisselles pour un fabriquant de déodorant le soir.
Mais suite à un tragique accident, ses deux patrons disparaissent et il se retrouve sans emploi du jour au lendemain. Que faire maintenant ? Gaspard réussit à se faire recruter par un cabinet de détective privé pour enquêter sur la mystérieuse mort d'un patient dans un centre d'éducation spécialisé... Son handicap sera pour une fois un atout !
Mon avis :
Pendant le premier tiers du livre, nous faisons la connaissance de Gaspard, trisomique sacrément atypique ! Comme le héros du Bizarre incident du chien pendant la nuit, il a une façon de raisonner qui, si elle est différente - drôle et inattendue! - n'en est pas moins perspicace. D'une "curiosité boulimique", il passe son temps à collecter des informations de toutes sortes (qu'il consigne dans des cahiers oranges) et adore les défis intellectuels (comme l'énigme d'Einstein). Par ailleurs, il est doté d'un odorat surdéveloppé grâce auquel il a obtenu son emploi dans les déodorants et qui lui sera d'une grande aide dans son enquête. Bref Gaspard n'est "pas un handicapé comme les autres" et c'est justement cela qu'il recherche à tout prix : "être considéré comme les autres".
A personnalité spéciale, "affaire spéciale" : après une transition un peu longue, voici Gaspard auto-déclaré "premier détective privé trisomique" pour une mission d'infiltration délicate dans un centre d'éducation spécialisé. Au milieu de ses congénères, il doit se faire force pour adopter l'attitude idiote qu'on attend de lui et ne peut s'empêcher d'épater tout le monde avec son savoir éclectique. On entre un peu plus dans l'action, même si celle-ci n'offre rien de très original.
Le final, par contre, est complètement bluffant ! A la manière d'Antoine Dole dans K-Cendres, on comprend que l'auteur nous a manipulé dès le départ sans qu'on ne voit rien venir. C'est extrêmement bien vu et cette structure met vraiment en relief la volonté d'aborder le handicap autrement, dans un mélange de malice et de sensibilité qui n'est pas sans rappeler cet éternel "esprit d'enfant" qui caractérise la trisomie 21.
Patricia Deschamps, février 2018