Un chant de Noël : une histoire de fantômes

BD de José-Luis MUNUERA d'après la nouvelle de Charles DICKENS

Tu dois te souvenir de la personne que tu as été pour comprendre la personne que tu es et pour devenir la personne que tu pourrais être.

Dargaud, 2022, 80 p.
Dargaud, 2022, 80 p.

Londres, 24 décembre 1843.

Tous les habitants, les mieux lotis comme les plus démunis, s'apprêtent à fêter Noël. Tous, à l'exception d'Elizabeth Scrooge. Aux yeux de cette riche commerçante, insensible au malheur des autres comme à l'atmosphère de liesse qui baigne la cité, seuls le travail et l'argent ont de l'importance.

Pendant la nuit, trois esprits viennent lui rendre visite. Ils l'emmènent avec eux à la rencontre de la jeune fille qu'elle était, quelques années plus tôt, lorsque la cupidité n'avait pas encore rongé son cœur. Mais aussi à la découverte de celle qu'elle aurait pu devenir si elle avait choisi la voie de la bonté... Cela suffira-t-il à la faire changer ?

Mon avis :

Lire les premières pages
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J'étais curieuse de voir les conséquences sur l'histoire de la féminisation du personnage de Scrooge, et alléchée par les premières planches au graphisme sublime. D'emblée celui-ci nous plonge dans l'ambiance avec ses décors magnifiques dont le floutage léger évoque parfaitement l'aspect cotonneux de la neige. Le visuel est par ailleurs très dynamique avec de nombreux changements de perspective du fait qu'Elizabeth flotte au dessus et autour des scènes tandis que les esprits l'emmènent dans ses "voyages métaphysiques".

 

C'est avec l'apparition de son père misogyne lors du retour aux Noëls passés que l'on comprend quelles pensées ont pu façonner la femme qu'elle est devenue ("Il n'a jamais voulu m'entendre ni me voir"). Mais c'est avec le deuxième esprit ("Je suis éphémère! Je suis aujourd'hui! Je suis maintenant!") qu'elle réalise "l'image que les gens ont de moi": celle d'une femme odieuse. Non seulement Elizabeth se refuse la joie de Noël, mais "sa fortune ne sert à rien" puisqu'elle "ne l'utilise ni pour le bien d'autrui ni pour son propre bien être". Dès lors, pourquoi amasser autant d'argent?

 

En réalité, Elizabeth incarne la femme ambitieuse et indépendante, celle qui a à cœur de prouver qu'elle est tout sauf résignée et soumise. D'ailleurs, quand il s'agira d'agir pour sauver le petit Tiny Tim, ce n'est pas à son employé, Cratchit, qu'elle s'adresse, mais à son épouse ("Nous avons tout intérêt à unir nos forces"). Ainsi, même si le "sornettes!" qu'elle assène constamment lui vient de son père, c'est bien un symbole féministe qu'est devenue Elizabeth.

 

La fin est plus subtile que dans l'histoire d'origine, et plus crédible selon moi. Il est rare que les gens changent radicalement. Cependant le message me semble clair et pertinent: ne pas célébrer Noël peut être un choix qui n'empêche pas par ailleurs des qualités altruistes de générosité et d'empathie. Rejeter certaines pratiques ("Certains ne cessent d'enfanter des rejetons sans se demander s'ils pourront subvenir à leurs besoins") ne veut pas dire que l'on est misanthrope. La vraie bonté n'est-elle pas celle qui se pratique au quotidien (et non aux grandes occasions) et sans étalage (de son argent et de ses actes)?

 

Patricia Deschamps, décembre 2022

L'œuvre d'origine
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