Toine et autres contes

Guy de MAUPASSANT (1850-1893)

Écrits entre 1883 et 1889, les contes de ce recueil ont été publiés dans différents journaux de l'époque avant d'être réunis en divers volumes, du vivant de l'auteur ou après sa mort. Maupassant est alors un écrivain reconnu, qui gagne bien sa vie, car il n'a aucun mal à vendre ses récits à des journaux comme Le Gaulois, Gil Blas ou Le Figaro.


Depuis 1880, date de sa fulgurante entrée dans la littérature avec Boule-de-Suif, Maupassant s'est un peu assagi. Ce sportif musclé, épris de grand air, de natation, de canotage, étouffait littéralement dans son bureau du ministère de la Marine et passait tout son temps libre sur la Seine, ou dans des établissements fréquentés par les milieux populaires et pas toujours recommandables des bords de Seine, entre Argenteuil et Marly.


Désormais, grâce à sa notoriété, il est reçu dans les salons parisiens. Ses succès littéraires lui ont permis de quitter le bureau pour faire désormais ce qui lui plaît : écrire et partir en croisière à bord de son voilier. Il écrit beaucoup, en effet : six romans, des récits de voyage, trois cents contes et nouvelles, en une dizaine d'années. Autant dire que les dix contes qui suivent ne peuvent donner qu'un petit aperçu de son talent !

Source : Toine et autres contes, collection Biblio Collège

Hachette, 2012, 160 p. (Biblio Collège)
Hachette, 2012, 160 p. (Biblio Collège)
  • Toine

Toine l'énorme cabaretier passe son temps à boire avec ses amis, ce qui rend furieuse sa femme. Alors le jour où une attaque cardiaque le cloue au lit, paralysé, elle oblige son obèse de mari à... couver des œufs !

 

  • Le père Milon

1870. Pendant la guerre franco-prusse, la ferme du père Milon est réquisitionnée pour héberger des soldats ennemis. Mais chaque nuit, plusieurs Prussiens sont retrouvés assassinés...

 

  • La mère Sauvage

Pendant la guerre de 1870, on demande à la mère Sauvage d'héberger quatre jeunes soldats prussiens. Celle-ci les considère comme ses fils, jusqu'au jour où elle apprend que le sien vient d'être tué au front...

 

  • Le Gueux

Seul et handicapé, le Gueux n'a d'autre solution que de mendier pour survivre. Jusqu'au jour où personne ne lui consent l'aumône...

Bande dessinée, éd. Petit à petit, 2010
Bande dessinée, éd. Petit à petit, 2010
  • Boitelle

Le père Boitelle n'a pas toujours été l'ordureux du village, celui qui effectue les besognes malpropres... Autrefois, il a été soldat, au Havre. C'est là qu'il est tombé amoureux de la belle serveuse du "Café des Colonies"... Pressé de l'épouser, il est revenu à la ferme la présenter à ses vieux parents, pour consentement. Vaillante, économe, de bonne conduite, la jeune femme a tout pour plaire à ces braves paysans. Sauf peut-être un détail : elle est... "trop noire".


  • La Chevelure

Un fou enfermé dans un asile raconte comment il a un jour trouvé une chevelure dans un vieux meuble... Une chevelure dont il va devenir complètement obsédé...


  • Le Tic

Dans une ville thermale débarque un drôle de couple, un homme et sa fille : lui a un spasme de la main chaque fois qu'il veut attraper un objet, et elle ne quitte jamais son gant à la main gauche...

DVD édité par France Télévisions, 2008
DVD édité par France Télévisions, 2008
  • La Parure

Employé au ministère de l'Instruction publique, M. Loisel gagne mal sa vie alors que sa jolie femme Mathilde ne rêve que de robes chics, de sorties mondaines et de la belle vie. Invitée à une soirée, Mme Loisel emprunte un collier à son amie Mme Forestier. Mais elle s'aperçoit en rentrant qu'elle l'a perdu ! Le couple s'endette alors pour repayer des diamants à Mme Forestier, sombrant dans la misère...


  • Mon oncle Jules

Joseph et sa famille vivent modestement, économisant sur tout. Ils espèrent depuis des années voir revenir l'oncle Jules parti faire fortune en Amérique, et qui a promis de les tirer d'affaire à son retour. Mais lors d'une balade en bateau sur l'île de Jersey, ils tombent sur un vieil écailleur d'huîtres en guenilles qui ressemble étrangement au fameux oncle Jules...


  • La question du latin

L'institut Robineau est célèbre dans toute la France pour sa spécialité d'études latines. Grâce à un vieux surveillant amoureux de la langue, Piquedent, l'école remporte chaque année les Premiers Prix au Concours général. Mais Piquedent, qui a voué sa vie à l’enseignement du latin, se sent bien seul. Un de ses élèves malicieux joue alors les entremetteurs à son insu, afin de lui organiser un rendez-vous galant avec une jeune ouvrière...

Mon avis :

Maupassant est mon auteur classique préféré, et ce n'est pas (uniquement) parce que l'on est de la même région ! Il fait d'ailleurs une description peu avenante des Normands... Paysans mal dégrossis s'exprimant dans un dialecte quelque peu abrupt, ils ont un sacré caractère (la mère Toine), et se montrent souvent injurieux!.. Coriace et buté, cupide et profondément patriote, le paysan normand se révèle bien souvent intolérant (Boitelle), voire cruel, assouvissant son désir de vengeance sans aucun regret, allant même jusqu'à revendiquer son geste avec fierté (le père Milon, la mère Sauvage) !

 

Dans ces "contes" (que l'on qualifierait aujourd'hui de nouvelles), Maupassant nous fait passer du rire (le père Toine couvant ses poussins sous ses gros bras ; le vieux Piquedent victime d'une farce, qui va finalement en tirer profit) à la tristesse (le pauvre Boitelle forcé de renoncer à son amour parce que ses parents, et tout le village derrière eux, rejettent sa fiancée noire ; le pauvre Gueux infirme qu'on laisse mourir de faim...). La plupart sont bercés de désillusion, avec ce sentiment que finalement, rien ne changera jamais, personne ne viendra nous sauver (Mon oncle Jules)... La pauvre Mathilde Loisel (La Parure) qui rêvait de mener la grande vie, tombera bien bas, finissant par devenir physiquement celle que son (médiocre) rang destinait. Elle rappelle en cela l'héroïne d'un autre écrivain normand : Madame Bovary de Flaubert.

 

Certaines histoires abordent la folie et le fantastique qui font aussi la marque de fabrique de l'auteur (comme dans le Horla) : le fou de l'asile éprouve un désir profondément malsain pour la Chevelure qu'il aime caresser, ressentant en elle l'âme de la morte qui l'arborait... L'ambiance y est étrange, entre fascination et dégoût, et donne une impression de prémonition quand on sait comment Maupassant a fini sa vie (dans une clinique psychiatrique, victime de crises de démence)...

Dans Le Tic, il est carrément question de revenant(e) !

 

Quels qu'ils soient, tous ces récits sont construits sur le même modèle, qui fonctionne aussi bien à chaque fois : une intrigue simple, peu de personnages, et surtout une chute finale surprenante ! Et même si certains récits sont imbriqués, rendant la chronologie du récit plus délicate à appréhender, on est chaque fois saisi par l'art de Maupassant de poser son cadre et tous ces petits détails qui font dire après coup qu'on aurait pu prévoir le dénouement !

 

Contrairement à la plupart des nouvelles de ce recueil, la dernière propose une fin heureuse - comme quoi Maupassant ne se montrait pas toujours pessimiste !

 

Patricia Deschamps, décembre 2014

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