Salle de classe

roman de Florence AUBRY

L'innocence de la jeunesse n'existe pas.

Mijade, 2021, 183 p. (Zone J)
Mijade, 2021, 183 p. (Zone J)

 

C'est l'histoire de Stella‚ une nouvelle prof qui arrive pleine d'optimisme‚ de motivation. De l'autre côté, une classe: la 3A. Avec une élève : Manou, qui vit très mal ce début d'année car elle a été séparée de son groupe de copines.
Manou finit par devenir copine avec le nouveau‚ Noé, le garçon qui a déjà été renvoyé de plusieurs établissements et qui va faire sortir de Manou toute la colère contenue. Et celle qui va payer, c'est Stella.
La classe de 3A va trouver la faille de l'enseignante‚ sa fragilité, et s'y engouffrer avec cruauté.

 

(Texte : mijade.be)

Mon avis :

Je savais que ce livre allait me toucher car il raconte notre quotidien de profs (même si les 3A vont vraiment loin). Le drame monte crescendo dans cette histoire où, pour une fois, c'est l'enseignante la victime de harcèlement. Le point de vue alterne entre Stella, nouvellement nommée, et Manou, l'une de ses élèves de 3e. Pourtant on sait assez peu ce qui se passe réellement dans la salle de classe, du moins dans un premier temps.

 

Au début en effet, c'est "tout un tas de petits riens qui ne justifient pas qu'on donne une punition, un tas de petits riens juste en deçà de la limite". Des attitudes et des paroles qui minent, qui "pourrissent le cours". Dans ces moments-là, il n'y a pas que les élèves qui comptent les minutes jusqu'à la sonnerie!

Au fil des semaines, l'agacement laisse progressivement place à la souffrance. C'est comme "un jeu de stratégie", une partie engagée depuis longtemps "mais Stella ne s'en est pas rendu compte". Les élèves observent, attendent, dans "une intelligence de groupe sournoise". L'enseignante se demande comment réagir aux petites provocations: les ignorer ou bien entrer dans le bras de fer? Répondre calmement ou se fâcher?

 

Quand la situation devient incontrôlable, Stella n'ose pas en parler. Elle a honte de demander de l'aide, à ses collègues, à ses proches. Mais son mutisme l'empoisonne. L'incompréhension de son entourage, qui minimise les faits, l'enfonce encore plus dans sa détresse ("Ça ne peut pas être si grave"). Elle croit encore que "ça va passer". Mais la dépression s'installe ("Elle n'a envie de rien. Tout la dégoûte"). L'impuissance la plonge dans un mélange de panique et de haine. La peur ne la quitte plus: peur de ne pas tenir, peur de croiser les élèves en dehors du collège ("Ils ne savent pas où elle habite. Pas encore"). On voit ses élèves de 3e la "détruire lentement et sûrement".

 

Pourtant Stella était une enseignante pleine d'entrain. Les 6e, "elle a quelque chose à donner et eux, ce quelque chose, ils veulent bien le recevoir". Le jeune Roderick, élève en difficulté à qui elle propose une remise à niveau, "elle va l'aider, elle va être vraiment utile", et elle le fait progresser. Mais à cause des autres, Stella se met à douter ("Elle n'a pas su transmettre sa passion", se remet en question ("Il avait raison, je ne suis pas à la hauteur").

La fin de l'histoire confirme l'échec et j'ai trouvé cela démoralisant. Changer de métier, c'est ça la solution proposée par l'autrice?! Car soyons honnêtes: il n'y a pas que les enseignants débutants qui sont sensibles à l'ambiance de classe et qui se sentent démunis quand les élèves entrent en conflit avec l'adulte. Je pense que la seule piste envisageable, qui est d'ailleurs glissée avec l'épisode de l'enveloppe préparée par Manou, c'est de "faire front, ensemble". J'aurais aimé une issue qui aille dans ce sens plutôt que dans celui du renoncement. Cela aurait laissé une note d'espoir.

Patricia Deschamps, mai 2022


 

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