Ah! Si les sorcières portaient vraiment de grandes robes noires, des chapeaux pointus, une verrue sur le nez et qu'elles se promenaient sur des balais magiques, les choses seraient tellement plus simples! La réalité est beaucoup moins folklorique et beaucoup plus inquiétante : les sorcières sont pratiquement impossibles à identifier dans une foule. Seuls de petits signes peuvent les trahir et il vaut mieux les connaître, car les sorcières n'ont qu'un but: éliminer les enfants qu'elles détestent !
Lorsque notre jeune héros se retrouve bien malgré lui caché dans une pièce où les sorcières tiennent leur congrès annuel, les choses risquent de mal tourner...
L'avis de Catherine, prof doc :
Destiné aux jeunes enfants, ce roman débute par une mise en garde et des conseils pour savoir reconnaître une vraie sorcière ! Pas si facile que cela, il faut être bien informé et chaque indice ne suffit pas, c'est la somme de plusieurs indices qui permettent de reconnaître une sorcière. Mais pourquoi adresser cet ouvrage aux enfants ? Car ce sont les victimes : les sorcières veulent les éliminer à tout prix et n'agissent qu'à cette fin !
Un roman plutôt terrifiant à première vue (pour de jeunes enfants), mais le talent de conteur de Roald Dahl happe son lecteur et l'humour omniprésent fait le reste. J'ai beaucoup aimé le duo grand-mère/narrateur-garçon plein de tendresse et de compréhension réciproque. Le récit est en effet à la première personne, fait par un garçon anglais d'une dizaine d'années qui perd ses parents dans un accident et est recueilli par sa grand-mère norvégienne, fabuleuse conteuse d'histoires et sociérologue à la retraite. Ce duo vit harmonieusement et partage les aventures les plus surprenantes. Ce garçon accepte plutôt bien les difficultés rencontrées et les surmonte au mieux, parvenant à trouver des avantages à sa nouvelle situation.
Je ne dévoilerai pas la suite, il serait dommage de priver de futurs lecteurs des effets de surprise ou autres fantaisies propres à l'auteur. Les rebondissements sont nombreux, on ne s'ennuie pas une seconde et on s'amuse énormément !
J'ai apprécié la fin de l'histoire qui illustre (sans aucun ton moralisateur mais de façon naturelle) l'acceptation de soi, le droit à la différence et combien il est bon d'avoir un but à atteindre quel que soit son âge.
J'ai maintenant envie de découvrir l'adaptation théâtrale de ce roman, sous le même titre.
Avril 2019
♦ L'adaptation BD de Pénélope BAGIEU (Culottées)
Mon avis :
Le dessin minimaliste (mais efficace), aux couleurs vives et tranchées, avec ce petit côté enfantin/naïf, de Pénélope Bagieu se marie parfaitement avec l'univers de Roald Dahl. L'émotion est prégnante (l'album débute le jour des funérailles des parents du petit héros) et on ressent bien toute la tendresse qui existe entre sa mamie et lui. Mamie qu'il a bien sûr peur de perdre (il n'a plus qu'elle), d'autant qu'elle tousse de plus en plus. Il faut dire qu'elle fume le cigare - oui c'est une mamie excentrique, aux cheveux violets et aux tenues bariolées!
Les scènes sont très vivantes et alternent entre humour et horreur. Mamie a longuement expliqué que les sorcières avaient l'art de se dissimuler sous l'apparence d'une femme normale, ce qui est très inquiétant... Mais les planches où elle donne des astuces pour les reconnaître sont franchement drôles: "Elle porte des gants pour cacher ses griffes, une perruque qui lui procure de terribles démangeaisons, son pied est carré parce qu'elle n'a pas d'orteils et elle a des narines frétillantes pour mieux sentir les enfants" car "ce qu'elles ont toutes en commun, c'est leur HAINE VISCÉRALE des enfants"!... Cependant, lorsque le garçonnet se retrouve malgré lui au milieu d'une assemblée de sorcières, la scène vire au cauchemar. J'ai trouvé que les vignettes où elles retirent leur déguisement faisaient vraiment peur! Sans parler de celle où "la grandissime sorcière" (la cheffe), dévoile son vrai (et horrible) visage!
Quant à leur plan pour exterminer tous les enfants, il est tout simplement diabolique. Le jeune héros en fera les frais (on bascule alors en mode fantastique), se démènera avec sa grand-mère et une fillette rencontrée au cours de l'aventure, pour retourner la situation à leur avantage. Le récit s'enchaîne sans temps mort malgré l'épaisseur de l'album et la fin se révèle surprenante pour une histoire jeunesse. Dahl/Bagieu: une association réussie!
Patricia Deschamps, avril 2020