Run Billie

Billie, la chanteuse de 21 ans du groupe rock Run Billie qui vient de se hisser au sommet de la gloire en quelques mois, disparaît le soir de son premier concert au Bataclan, à la veille d'une tournée qui s'annonçait triomphale.

L'inspecteur Luka Prajnik est en charge de l'enquête. Il auditionne tour à tour tous les proches de celle qui se prénomme en fait Adèle : les autres membres du groupe (Moosh son petit ami, JB et Damien), sa mère, sa sœur Sandra ainsi que son ami d'enfance Joshua, afin de tenter de comprendre ce qui a pu se passer.

Billie avait-elle des ennemis ? Ou aurait-elle volontairement disparu, notamment pour fuir la pression ? Menait-elle une double vie amoureuse ? Quel secret cache-t-elle donc ?

Mon avis :

Un roman choral dont la principale protagoniste, absente, se reconstitue au fil des témoignages.

L'originalité de cette enquête, c'est qu'elle ne laisse à aucun moment la parole à l'héroïne disparue, y compris dans les scènes flashbacks où elle est impliquée. Construite comme un puzzle, l'intrigue est essentiellement constituée des auditions des proches de Billie/Adèle, jeune femme insaisissable dont le mystère semble s'épaissir au lieu de s'élucider au fil des découvertes de l'inspecteur Prajnic.

Car Adèle a de multiples facettes dont personne dans son entourage détient l'intégralité. Dissimulatrice, "Billie avait ses secrets qu'elle ne partageait avec personne". Prajnic va lui découvrir une "vie officieuse" et lever un certain nombre de mensonges. Derrière son physique chétif et son allure banale, la chanteuse révèle un caractère fort, elle "ne se laisse rien imposer", "sait ce qu'elle veut et surtout ce qu'elle ne veut pas". Plusieurs pistes sont envisagées : sa notoriété naissante qu'elle vit mal, les lettres de menace qu'elle reçoit, sa liaison surprenante avec Moosh le batteur du groupe, Djilali son amoureux d'enfance exilé en Algérie, Ivan son père russe qu'elle n'a jamais connu, les cours dans cette langue qu'elle prend avec Youri Jerdev... Peu à peu se dessine "l'autre Adèle", faisant réaliser "cette dualité en elle", ces fêlures qu'on ne soupçonnait pas : "Billie, c'est du bluff. Tout ce qu'Adèle vit, fait et dit sous ce masque-là est faux".

Ainsi l'énigme nous tient en haleine, malgré quelques répétitions d'un témoignage à l'autre et une explication finale sans surprise. Le chemin du lecteur ne rencontrera jamais celui d'Adèle mais "tout ce que cette enquête a soulevé de confidences aura permis de mieux la comprendre".

Patricia Deschamps, septembre 2017