Tout le monde n'est pas militant dans l'âme. C'est pour ça qu'il faut d'abord planter des graines dans les esprits.
"- T’as entendu parler de cette fille, Ameline Brillant, qui a été renvoyée parce qu’elle avait tabassé un mec dans la file de la cantine ? Il lui avait touché les fesses…
- C’est pas juste. C’est pas elle qui devrait être renvoyée, c’est lui. Et si j’avais un moyen de faire éclater la vérité au grand jour ?"
Pour Rachèle, à la tête du journal du lycée, il est impossible de laisser passer une nouvelle injustice. Ça fait trop longtemps que ça dure. Que tout le monde ferme les yeux.
Elle décide donc d’appeler toutes les filles, toutes les femmes du lycée Olympe de Gouges à faire grève. Il est temps pour elles de se faire entendre. Il faut que certaines choses changent enfin.
Mon avis :
Quand un groupe de filles se mobilise pour obtenir plus de respect.
Rachèle n'a rien d'une meneuse. Au contraire, c'est une "élève modèle", très discrète, et si elle est à l'origine du mouvement de grève dans son lycée, elle ne sait "pas du tout comment mener une telle action". Ce qui est sûr par contre, c'est qu'elle ne veut pas laisser passer l'acte d'injustice dont est victime la jeune Ameline, renvoyée pour violence envers Paul Müller alors qu'elle se défendait de ses agressions sexistes. Rachèle est rapidement rejointe par des filles toutes aussi déterminées, et surtout plus expérimentées, comme Manon.
A leurs côtés, Rachèle découvre la solidarité féminine. Toutes n'ont pas les mêmes raisons d'être féministes "car toutes les filles n'ont pas les mêmes problèmes", cependant une certaine colère les unit ainsi qu'une volonté de sortir du silence et de la résignation qu'on leur impose, ou qu'elles s'imposent, trop souvent. Ainsi le combat par rapport à la situation d'Ameline s'élargit à l'ensemble des lycéennes, réclamant un peu plus de justice pour les femmes au quotidien. Et si Rachèle ne se sent pas toujours légitime ("Je n'ai jamais été insultée ou rabaissée parce que j'étais une femme"), elle va, au sein de ce groupe improvisé, se sentir comprise et écoutée. Elle représente justement l'adolescente lambda qui choisit d'agir au lieu de jouer "les endormies, les privilégiées, celles qui croient que ça n'arrive qu'aux autres". S'engager est à la portée de toutes.
Se pose aussi la question de la place de Martin, le meilleur ami de Rachèle, dans le mouvement de révolte. Martin soutient les filles dans leur grève mais Manon le rejette malgré ses bonnes intentions, désirant que les actions et revendications restent 100% féminines. Cependant elle comprendra la nécessité d'avoir des alliés masculins, peut-être mieux placés pour convaincre certains de leurs homologues de changer d'attitude.
Et c'est bien ça qui ressort du roman au final: la grève aura autant, si ce n'est plus, changé les protagonistes que les mentalités: "Mon action avait changé quelque chose. Peut-être pas à grande échelle, mais dans ma vie". Stimulée par le courage de s'exprimer et d'entreprendre, mise en confiance par ce sentiment nouveau d'appartenance et d'inclusion, la jeune fille ose enfin sortir des carcans que lui imposent sa mère. L'expérience n'aura pas des retentissements extraordinaires ("Dénoncer l'intolérable, c'était un combat de tous les instants"), mais Rachèle aura compris que "petit à petit, on avançait, et on en apprenait toujours plus".
Patricia Deschamps, octobre 2020