Je sais qu'on dit la mode futile. Mais moi je pense qu'il est nécessaire de créer de la beauté, justement parce que le monde ne tourne pas rond, parce que le monde est cruel, parce que le monde est laid parfois. La beauté peut nous consoler de tout !
Paris, août 1778.
Grâce à son talent, Rose Bertin s'est imposée comme la marchande de modes que tout le monde s'arrache à la cour de Versailles. N'est-elle pas la couturière officielle de Marie-Antoinette ?
Mais un inconnu vient un jour jeter le trouble dans sa vie... Un vendeur de tissus qui se présente à son magasin, le Grand Mogol, et qui la séduit autant par la magnifique mousseline qu'il lui propose, que par ses grands yeux noirs...
Rose saura-t-elle concilier amour et indépendance ?
Mon avis :
Un roman passionnant et magnifiquement illustré qui mêle l'histoire de la mode à l'univers de Versailles.
C'est à travers le regard admiratif d'une de ses jeunes apprenties que l'on découvre le personnage haut en couleurs de Rose Bertin. Fascinée par cette femme d'origine modeste qui a gagné sa célébrité grâce à son talent et son courage, Sidonie raconte le quotidien au Grand Mogol dont l'effervescence n'est pas sans rappeler celle du grand magasin de Au Bonheur des Dames d'Emile Zola, à la différence près que la boutique de la styliste intègre également un atelier de couture : tout est confectionné sur place. Créativité et exigence sont les maîtres mots de cette femme infatigable aussi célèbre pour sa "capacité à inventer sans cesse de nouvelles formes" que pour son caractère bien trempé, "mélange d'orgueil et d'esprit". Par contraste, la petite Sidonie séduit par sa fraîcheur et son innocence, et c'est avec ses yeux émerveillés que l'on pénètre à Versailles à la rencontre de Marie-Antoinette.
Comme le précise la courte biographie qui suit le roman, c'est grâce à sa relation avec la reine que Rose (qui se prénommait en réalité Marie-Jeanne) est devenue célèbre dans toute l'Europe. Passionnée de mode, Marie-Antoinette trouve en la personne de la styliste une complice à sa mesure, à la créativité aussi fertile qu'extravagante, comme en témoignent les "poufs" et autres "paniers" (que j'ai découverts dans Les roses de Trianon) représentés dans le superbe abécédaire illustré en couleur.
Cependant, si Mlle Bertin a autant marqué son époque, c'est qu'elle a aussi "bousculé des siècles de tradition vestimentaire". En cet été caniculaire, Marie-Antoinette, qui de plus est (enfin) enceinte, "n'aspire qu'à cela : des vêtements légers, pour me promener au jardin sans étouffer dans mes corsets !". La reine est connue pour son mépris de l'étiquette et de ses contraintes et la styliste est l'alliée idéale pour "secouer les traditions" et "libérer les femmes" ! Car c'est bien cela que représente celle-ci à ses yeux : "Parfois, je vous envie, Rose. Vous travaillez beaucoup, je le vois bien. Mais au moins, vous êtes libre ! Personne ne vous dicte ce que vous devez faire". Une indépendance remise en question par ses sentiments naissants à l'égard du séduisant Séraphin...
L'intrigue sentimentale apporte un relief supplémentaire à l'intrigue. C'est aussi l'occasion, à travers le marchand de tissus, d'exprimer certaines protestations qui couvent déjà dans la société parisienne et qui coûteront la vie à Marie-Antoinette pendant la Révolution française. L'écriture est soignée, les personnages vivants et c'est un réel plaisir de parcourir cette biographie !
Patricia Deschamps, octobre 2017
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