Est-ce que tout ce que l'on vit ne serait pas juste une question de point de vue ?
Tout va bien pour Léa ! À l'école, elle aime jouer au foot dans la cour avec ses amies. Elle est naturellement douée en maths, comme le sont souvent les filles. Elle sait déjà qu'elle est promise à une brillante carrière, de chirurgienne, huissière ou, pourquoi pas, ministresse ! Quel que soit son choix, elle n'aura pas à s'occuper de ses enfants, puisque c'est leur père qui s'en chargera. Les hommes sont naturellement faits pour ça, non ? « C'est comme ça ! On n'y peut rien ! » a tendance à penser Léa. Mais son père et son frère, Tom, vont la pousser à remettre en question l'ordre établi...
(4e de couverture)
Mon avis :
Florence Hinckel imagine une société inverse à la nôtre, où les femmes sont le sexe dominant. Dans le monde de Léa et Tom, toutes les inégalités et les injustices actuellement subies par les filles concernent les garçons. Le livre est une longue description de "tous les domaines où les filles, les garçons, les hommes et les femmes avaient une place différente."
Dans cette société faisant la part belle aux femmes, avoir ses premières règles est une fête, et non plus une honte. Par contre, l'autrice parle de sexualité de manière très crue: "gouine/lesbienne", "l'accès au plaisir des garçons", allusion à la pornographie ("C'était la photo d'un couple qui faisait l'amour"), exhibitionnisme et prostitution... Toutes ces évocations peuvent choquer les jeunes lecteurs (la collection s'adresse aux enfants de primaire).
Il est aussi question des femmes ayant les mêmes travers que certains hommes actuellement: par exemple, Tom a l'impression que "les femmes à la terrasse des cafés m'observent de la tête aux pieds". Ce genre d'attitude serait-elle propre au "sexe fort" (révélant un sentiment de pouvoir)?
Cette idée de domination sociale des femmes est très intéressante pour ouvrir le débat sur l'égalité garçons-filles, et de manière générale, sur le respect de chacun·e. Cette lecture est sensée secouer les représentations actuelles. Cependant il est dommage que l'autrice n'ait pas développé d'intrigue autour de cet état de faits. J'aurais aimé suivre une histoire un peu plus étoffée, comme ce passage où Tom se révolte face à l'interdit, pour les garçons, de porter un short à l'école.
A voir si c'est différent dans le tome 2!
Patricia Deschamps, novembre 2024
Le monde n'est pas facile pour personne quand on grandit.
Léa et Tom ont 15 ans. Les temps ont changé depuis que Tom s'est battu pour avoir le droit de porter des shorts à l'école primaire. Léa n'est plus derrière lui comme avant quand il s'élève contre les injustices qui frappent les garçons. Alors qu'ils préparent leur anniversaire, Léa tente de comprendre Tom, qui vit un sexisme plus fort que lorsqu'il avait 10 ans.
(4e de couverture)
Mon avis :
Quand j'ai lu dans la note de l'autrice que "toute la langue est féminisée" dans ce tome 2, y compris les expressions courantes, j'ai trouvé que c'était un peu extrême. "Il faut" devient "elle faut", "tout" et "ça" sont systématiquement accordés au féminin, et on voit passer des "à présente" et des "pour de vraie"... Par ailleurs, au niveau du contenu, le principe reste le même: "réfléchir au sexisme" sans réelle intrigue à part l'organisation d'une fête d'anniversaire commune ("mélanger les filles et les garçons"), ce que Tom refuse à cause du "female gaze", le "regard féminin" qui fait que les garçons se sentent considérés comme des objets de désir.
Le texte devient plus attrayant lorsque les réflexions sur le sexisme sont exposées à travers des dialogues. Tout commence avec l'oncle Gabriel, célibataire sans enfants (à 35 ans) et qui n'en veut pas. Très intéressant également le passage sur l'andrologue, équivalent de notre gynécologue, et notamment la "charge contraceptive" ("Les hommes doivent prendre la pilule ou se faire poser dans le corps un autre moyen de contraception. Il n'y a rien de plus logique puisque eux sont fertiles tout le temps, alors que les femmes ne le sont que quelques jours par mois.").
Ainsi l'autrice passe en revue, pour les garçons, toutes les revendications féministes actuelles: l'épilation, la taxe "bleue" (les produits plus chers selon le sexe), la main aux fesses, etc. L'idée est toujours de, à travers cette société "renversée", prendre conscience des injonctions sociales ("Ça ne se fait pas") car "c'est le début de tout".
Patricia Deschamps, novembre 2024