Promise

Ally CONDIE

C'est peut-être tout simplement ça le choix que nous aimerions avoir : de quel mal nous voulons souffrir.

Gallimard jeunesse, 2014, 448 p. (Pôle fiction)
Gallimard jeunesse, 2014, 448 p. (Pôle fiction)

Cassia, 17 ans, vit dans une Société prétendument idéale qui dicte tout: les distractions, le travail, le lieu d'habitation, la nourriture, les vêtements, même la mort est programmée.

Mais surtout, les Officiels organisent les mariages selon des critères de compatibilité idéale. Aussi, quand Cassia apprend qu'elle est promise à Xander, son meilleur ami depuis l'enfance, tout semble parfait!

 

Étrangement, c'est le visage d'un certain Ky qui apparaît sur le fichier numérique consacré à son Promis, avant que l'écran ne s'obscurcisse... Une erreur, lui dit-on, car Ky est issu d'une classe inférieure et n'a pas le droit de se marier.

Intriguée, Cassia cherche à mieux connaître ce garçon au passé mystérieux.

Mon avis :

Une dystopie sans grande originalité et un peu poussive.

Le monde dans lequel évolue Cassia est dans la lignée des romans initiés par Le Passeur de Lois Lowry : la société, orchestrée par des Officiels, est régie par des règles ne laissant aucune liberté aux gens. Comme dans Fahrenheit 451, "ils ont décidé que notre culture était trop éparse, encombrée. Ils ont formé des commissions chargées de sélectionner les cent meilleures chansons, les cent meilleurs tableaux, les cent meilleurs poèmes. Et ils ont éliminé le reste." (en l'incinérant). Le savoir est cloisonné ("Les nutritionnistes n'ont pas besoin de connaître les subtilités de la programmation des aérotrains, et à l'inverse, les programmateurs n'ont pas à savoir comment on prépare la nourriture.") Bien que les gens ne sachent pas écrire (!), l'accès à la technologie est limité ("C'est ce qui est arrivé à la société qui a précédé la nôtre. Tout le monde avait librement accès à la technologie, de façon vraiment excessive, et les conséquences ont été désastreuses."), ce qui réduit la communication à distance. La population est maintenue docile par des pilules, et les biens personnels (mis à part les "reliques" du monde ancien, comme le poudrier de Cassia et la montre de son frère) sont confisqués dans un souci d'égalité. Pour autant Ky est "classé Aberration" du fait de ses origines sociales (les Provinces lointaines, "situées à la périphérie de la société") et d'une "Infraction" de son père. Ainsi "il n'a absolument rien qui cloche" en réalité et Cassia réalise à travers lui que c'est "le système tout entier qui cloche"...

 

La jeune fille vient d'une famille où "on n'est pas des rebelles", d'ailleurs son père est l'un des Officiels en charge de réduire en cendres les livres de l'ancienne bibliothèque : "Dans la famille, nous sommes des intellectuels, on préfère réfléchir plutôt qu'agir.", et pourtant... Son grand-père, son père et sa mère ont chacun à leur actif de menues rébellions que Cassia va deviner (il faut être prudent, les Officiels surveillent tout comme dans 1984). C'est un mystérieux poème ("Je rage et m'enrage") qui va inciter l'adolescente "à résister, à se battre", ou tout au moins, à "semer le doute dans mon esprit" : "Le doute m'assaille sur qui je suis et qui je suis sensée aimer". Encouragée par Ky qui la fascine (malgré son côté dissident, il est "doué pour se fondre dans la masse"), Cassia commence à "vouloir bouleverser l'ordre des choses" à son niveau ("cacher des reliques, lire des poèmes volés, apprendre à écrire, tomber amoureuse d'un garçon qui n'est pas mon Promis"). Son regard nouveau sur les choses lui fait réaliser plein de petits détails, comme la disparition progressive des choses naturelles (sa mère, qui travaille à l'arboretum, "trouve que les plantes qui fleurissent dans les jardins et les espaces verts ont subi trop d'hybridations"), le contrôle du Gouvernement à travers l'alimentation ("Certaines personnes savent cultiver les plantes, d'autres les récolter, d'autres les transformer et d'autres enfin les faire cuire. Mais personne ne maîtrise le processus dans son entier. De cette façon, aucun de nous ne serait capable de survivre seul."), et plus inquiétant : une guerre aux frontières "tourne mal". "Rien ne va plus nulle part", "il y a des signes qui ne trompent pas : la Société se fissure".

 

C'est donc ce (très) lent processus de prise de conscience qui est raconté dans ce premier tome : "J'ai compris : ils nous donnent des échantillons de vie au lieu de nous laisser vivre vraiment" mais "je refuse que ce soit leurs décisions qui déterminent ma vie". Cependant, avant d'en arriver à la décision de "faire bouger les choses, petit à petit", il aura fallu une longue réflexion à Cassia et l'histoire peine à avancer. En effet "deux désirs s'affrontent en moi : celui de protéger ce qui peut l'être et celui de savoir". L'héroïne est également partagée entre deux garçons, ce qui là encore semble un peu rebattu. L'intrigue insiste beaucoup sur le pouvoir des mots, des écrits, des idées et des savoirs dans la liberté de pensée, d'où la nécessité de les détruire, soit qu'on les juge subversifs (les Officiels) ou bien compromettants (Ky et Cassia). La solution trouvée par ces derniers sera de "les graver dans ma mémoire" (et l'on revient au Passeur...).

Le tome 2 s'annonce davantage porté sur l'action, cependant ce premier volume ne m'a pas suffisamment convaincue pour que j'aie envie de poursuivre la trilogie...

 

Patricia Deschamps, mai 2018

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