Les traditions pouvaient tuer, elle était bien placée pour le savoir.
Wafa, 14 ans, est l'aînée d'une famille nombreuse d'origine somalienne. Ses parents ont quitté Djibouti quand elle était petite pour venir s'installer à Cherbourg, en espérant y trouver une vie meilleure. Mais avec le modeste salaire d'éboueur de Papa Oumar, la famille survit tout juste, entassée dans un petit HLM.
Alors la grand-mère de Wafa, Nawal, n'hésite pas à dire tout le mal qu'elle pense de la France. Pour elle, seules comptent les traditions africaines et elle voit d'un très mauvais oeil le fait que ses petites-filles aillent à l'école - quel intérêt ? - d'ailleurs elle a déjà trouvé un mari à Wafa : son cousin Hassan.
Est-ce pour cette raison que la jeune fille s'est enfuie en emportant les économies de ses parents ? Parce qu'elle étouffe sous la tyrannie de sa grand-mère qui impose sa loi à chaque membre de la famille ? Mais alors pourquoi Wafa a-t-elle emmené avec elle sa petite soeur de six ans, Makeda ?
Mon avis :
Moka aborde sans concessions un thème délicat : l'écartèlement entre deux cultures. La parole est donnée à tous les protagonistes, ce qui apporte un large éventail de points de vue, tandis que le récit alterne entre l'escapade de Wafa et Makeda à Paris et l'angoisse des autres membres de la famille à la maison.
Les trois garçons ne comprennent rien à la situation mais pressentent que les adultes leur cachent des choses... Pour Abdourahim, le plus véhément, ce sont "des histoires de bonnes femmes, comme d'hab", et il est vrai que dans cette famille, tout est régi par une grand-mère despote et que les hommes, complètement effacés, semblent bien faibles ! Pourtant le père assume pleinement sa décision d'avoir émigré et ne regrette rien. De même, Wafa a "misé sur la France" et s'investit à fond dans ses études - son avenir !
Mais le mariage forcé n'est pas ce qui l'inquiète en réalité. On devine que Nawal a une autre coutume africaine en tête... Une coutume à l'origine du décès de la grande soeur de Wafa. La tante a bien essayé de se rebeller, notamment en portant du parfum ou des foulards colorés, mais elle a fini par se résigner, comme toutes les femmes...
Curieusement le salut viendra d'un marabout, qui saura semer une graine de réflexion chez l'un des jeunes frères... Car l'espoir réside bel et bien dans la nouvelle génération, celle qui est née en France, et qui sait faire la différence entre la croyance et la loi... grâce à "l'école et la télévision" !
Patricia Deschamps, mars 2014