- Vivre au jour le jour pour être heureux, même quand on a toutes les raisons du monde pour être malheureux.
Thisbé entame son année de seconde au lycée, et elle est un peu désorientée : pour la première fois, elle est séparée de Juliette, sa sœur jumelle, partie étudier dans un autre lycée. Et une autre séparation s'annonce: Thisbé apprend que ses parents vont divorcer.
Un matin, le proviseur adjoint fait irruption en cours de français, accompagné d'un nouvel élève, qu'il présente à la classe : c'est Milad, un garçon qui vient de Syrie. Un réfugié. Thysbé le regarde, subjuguée : elle le trouve beau, émouvant mais aussi très triste…
Texte : Virgule pour Babelio
Mon avis :
Quand l'histoire d'un jeune réfugié syrien fait relativiser ses propres soucis.
Depuis que Thisbé a appris que ses parents allaient divorcer, elle a "le cœur cassé en deux". Sourde aux tentatives de discussion de l'un et de l'autre, elle s'enferme dans son chagrin, persuadée que personne ne comprend ce qu'elle ressent, pas même sa jumelle Juliette. Si les deux filles sont très complices ("Elle, elle saura quoi me dire"), Thisbé a toujours complexé face à ce double si bien dans sa peau.
Et voilà que surgit Milad, "mineur isolé" au "regard tellement triste". Aussitôt pour Thisbé, c'est "le crush", le coup de foudre. Elle trouve Milad beau et surtout touchant: "Je suis encore perdu ici, tout est si différent, je dois m'adapter...". Malgré tout, le Syrien "ne veut pas que je le prenne en pitié" alors les échanges sont difficiles, Thisbé, ne connaissant rien "à ton pays, à ta vie là-bas", craint de faire des bourdes.
J'ai trouvé cette première partie un peu longue, essentiellement parce que je ne retrouvais pas le style habituel de l'auteur, plus soutenu. L'héroïne me semblait transparente et ses sentiments superficiels, le récit étant surtout centré sur son quotidien un peu insipide de lycéenne.
Puis subitement le roman passe en mode fantastique avec un épisode évoquant des fantômes. La scène surprend ("Je te présente ma famille") mais a le mérite d'introduire l'histoire personnelle de Milad, où cette fois les émotions semblent authentiques. L'adolescent raconte sa vie en Syrie et revient sur les événements (la guerre) à l'origine de sa fuite. Il évoque ses parents et sa petite sœur Yasmine, le frère Hervé qui lui a appris le français, son amour des livres, sa quête de celui qu'il a perdu lors de son périple. Mais aussi la terrible traversée de la Méditerranée, la séparation d'avec Yasmine, le difficile quotidien au foyer. On sent que Silène Edgar est à nouveau dans son élément! Au passage elle remet en cause certains préjugés concernant les réfugiés: Milad a peut-être une autre culture, mais "il a vraiment envie d'être là et fait de gros efforts pour s'adapter".
A son contact, Thisbé va apprendre à relativiser ses "petits tracas d'Occidentale gâtée". Sa famille est certes en train d'éclater, mais chacun de ses membres est toujours en vie... Et si Milad a su accepter sa situation, elle doit être en mesure de le faire aussi, ou tout au moins, de faire quelques compromis afin de maintenir les relations entre eux. Après tout, "on ne choisit pas qui on aime" et il faut bien faire avec les sentiments de chacun. Ce premier amour lui aura fait comprendre que si "c'est compliqué pour tout le monde", "on peut surmonter ça ensemble"!
Patricia Deschamps, décembre 2019
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