La caméra me fixe en silence. On dirait un œil unique. Un œil de cyclope sans cornée ni iris, juste une pupille noire, énorme. Je le fixe moi aussi, en m'imaginant les légions de spectateurs qui se cachent derrière.
Appel à candidatures
"Tous les jeunes Terriens entre 17 et 20 ans sont invités à postuler au programme Genesis. Les six prétendants et les six prétendantes sélectionnés feront connaissance lors du voyage spatial en aller simple vers Mars, sur laquelle ils fonderont leur famille en vue de la première tentative de colonisation de la planète rouge. Ils auront cinq mois pour se séduire et choisir le partenaire avec qui enfanter. En échange de cette aventure unique, ils autorisent les caméras embarquées à retransmettre leurs séances de speed-dating dans l'espace et chaque instant du reste de leur vie sur Mars, 24 heures sur 24, au cours d'une émission de divertissement jamais vue !"
Mon avis :
Un roman à l'américaine efficace mais sans surprise.
Comme dans toutes les histoires de télé-réalité, l'intrigue dénonce cette "pompe à fric abjecte" qu'est le programme Genesis "où la science se prostitue au nom du showbiz". L'originalité est que l'émission se déroule dans l'espace à bord d'un vaisseau dont l'atmosphère est parfaitement reconstituée. La "méchante" est incarnée par Serena McBee, psychiatre et productrice du projet, une femme aussi manipulatrice que charismatique, qui cache néanmoins un terrible secret de famille. Comme tous les personnages, elle est très caractérisée et on la visualise d'emblée.
A son image, chacun a une personnalité bien définie où l'on frôle la caricature. Dans le Cupido, le point de vue adopté est celui des filles et elles sont toutes incroyablement belles et sexy - on n'hésitera pas à passer les descriptifs répétitifs de leurs tenues et maquillages. L'héroïne, Léonor la Française, est la rebelle du groupe, l'indomptable rousse au tempérament de feu, la plus rationnelle aussi : "Je veux rester maîtresse de mes émotions". C'est elle qui comprendra que "quelque chose ne tourne pas rond dans cette mission" ("C'est pas mon genre de me laisser embobiner").
Le récit a une dimension sentimentale au départ attrayante. Mais là encore, les clichés s'enchaînent : Léonor, d'abord moins sûre d'elle et donc moins sophistiquée que ses camarades lors des speed-dating, s'épanouit progressivement, remonte dans les sondages jusqu'à briller en haut du classement des téléspectateurs : "Toi qui a commencé au plus bas, tu es de plus en plus belle". De manière prévisible, l'adolescente va hésiter entre deux garçons, "Mozart le prince des poubelles" et "Marcus le mendiant des étoiles" (sic !), au caractère opposé ("Mozart mon semblable... Marcus mon contraire..."). Sans oublier qu'un(e) traître(sse) évolue au milieu des prétendants.
Ainsi Victor Dixen livre une aventure plaisante mais loin d'avoir la richesse d'intrigue et d'écriture d'Animale.
Patricia Deschamps, août 2017
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