Mr et Mrs Bennett ont cinq filles à marier. À l’arrivée d’un nouveau et riche voisin, Mr. Bingley, la famille espère que l’une d’entre elles pourra lui plaire… Au-delà des aventures sentimentales des cinq filles Bennett, Jane Austen dépeint les rigidités de la société anglaise au tournant du XIXe siècle. Le comportement et les réflexions d’Elizabeth Bennett, son personnage principal, révèlent les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la gentry campagnarde pour s’assurer sécurité financière et statut social : la solution passe en effet par le mariage.
(4e de couverture)
Mon avis :
Même ambiance et mêmes préoccupations dans ce roman que dans Emma, avec peut-être davantage d'humour, notamment dans la description des caractères. Certains personnages sont très drôles tant ils sont stupides (Mrs Bennett "à l'intelligence médiocre", Mr Collins dont "la conversation était ennuyeuse") ou arrogants (lady Catherine de Bourgh, "Sa Grâce"). Quant aux sœurs Bingley, ce sont de sacrées pestes toujours prêtes à cancaner!
Comme Les quatre filles du docteur March, les cinq sœurs Bennett ont chacune leur tempérament. C'est le point de vue d'Elizabeth, la deuxième, qui est adopté, et il est aussi beaucoup question de Jane, l'aînée, dont elle est très proche. Les deux plus jeunes, Lydia et Kitty, sont assez indissociables, aussi "vaniteuses, ignorantes, frivoles" l'une que l'autre. Mary tient une place à part: c'est l'intellectuelle de la fratrie, qui aime se consacrer au piano et aux études. Son physique ingrat semble l'écarter d'emblée des obsessions sentimentales de ses sœurs.
Tout tourne en effet autour du mariage des filles Bennett que la loi de l'époque empêche d'hériter de leur père. Tous les biens de celui-ci ("curieux mélange de vivacité, d'humour sarcastique, de fantaisie"), y compris la propriété, reviendront à un lointain et fat cousin, Mr Collins. Sans réelle dot, les cinq sœurs ne peuvent guère prétendre à un bon parti... à part peut-être Jane et Elizabeth, jolies et d'agréable compagnie, chacune à sa manière. Bienveillante et sereine, Jane est un modèle de pondération. Tout le contraire de Lizzie qui n'a pas la langue dans sa poche avec son "abominable esprit d'indépendance" et son "mépris des convenances"! Sans être irrespectueuse ("Il y avait chez elle un mélange d'espièglerie et de charme qui empêchaient ses manières d'être blessantes"), elle a l'art de dire ce qu'elle pense aux autres, peu importe leur rang! Certaines conversations m'ont bien fait rire, même si j'avoue qu'au bout d'un moment, toutes ces histoires de mariage potentiel m'ont semblé un peu lassantes. Heureusement l'aventure de Lydia apporte un peu de sel, tout comme les quiproquos liés aux fameux préjugés annoncés dans le titre ("Elizabeth se sentit envahir par la honte. Elle avait été aveugle, absurde, pleine de partialité et de préventions"). Ceux-ci concernent essentiellement Mr Darcy, homme "hautain et dédaigneux" en apparence... mais qui gagne à être connu, comme s'en rendra compte Elizabeth ("Quel homme déconcertant!").
Malgré quelques revirements, la fin est conforme à ce qu'on s'attendait dès le départ. Néanmoins l'œuvre est une agréable incursion dans le petit monde de la société anglaise du XIXe siècle.
Patricia Deschamps, juillet 2021
♦ L'adaptation BD de Aurore
Le graphisme est magnifique, le trait est élégant et les couleurs pastel très romantiques, ce qui se marie parfaitement avec l'intrigue sentimentale. J'ai savouré chaque vignette, qu'elle représente un paysage ou une conversation. Il se dégage beaucoup de raffinement de cette bande dessinée, dans les décors comme dans les personnages. Les femmes sont belles, les messieurs distingués, les tenues et les postures dessinées avec soin et précision. C'est un vrai régal pour les yeux!
Le texte est fidèle à l'œuvre originale (que j'ai lue récemment). Les dialogues sont nombreux mais très bien gérés par l'autrice, en longueur comme en placement, de manière à restituer la plume de Jane Austen sans surcharger les planches. On retrouve bien les différents caractères des protagonistes: Jane la belle et douce aînée, Elizabeth la rebelle, Mary l'intellectuelle et les deux petites dernières écervelées. Charles Bingley est aussi conciliant que ses sœurs détestables, ne cachant pas leur mépris pour la famille Bennett. Et puis il y a le ténébreux Mr Darcy dont la dualité est parfaitement rendue.
C'est une très belle adaptation d'un grand classique!
Patricia Deschamps, février 2022