Avec le temps, les lieux changent de fonction. La ville est remplie d'espaces vides que ne fréquentent plus les hommes. Je pense que ces lieux attirent les esprits.
Cachés au bord d’un sentier de campagne ou à l’ombre d’un temple, les esprits japonais, renards, tanuki et autres yokai guettent le voyageur égaré dans l’espoir de lui jouer des tours.
Cécile et Olivier, en séjour dans la région de Niigata, achètent un vieil appareil un peu spécial censé imprimer ces esprits sur la pellicule...
Mon avis :
Une bande dessinée atypique sur les esprits légendaires du Japon.
D'où sortent ces deux enfants ? Ne sont-ils accompagnés d'aucun adulte ? On ne sait pas grand chose de Cécile et Olivier, à part qu'ils sont français et qu'ils sont déjà venus dans cette région du Japon. Aucune allusion n'est faite à leur vie avant leur voyage, qui semble du coup un peu hors du temps. Le dessin a d'ailleurs un petit côté rétro, notamment avec les lunettes de la fillette dont les verres blancs et ronds masquent les yeux. Mais j'ai beaucoup aimé les teintes chaudes des vignettes.
Mis à part qu'on y parle beaucoup nourriture (les jeunes héros sont de vrais goinfres !), ce qui est assez drôle, l'histoire comporte une atmosphère un peu étrange, vaguement onirique. Cécile et Olivier découvrent cette partie de l'île loin des sentiers battus et des sites touristiques, préférant explorer l'arrière du pays encore si riche de croyances. On y croise "des histoires de fantômes", des arbres sacrés, et chaque épisode se termine par une mystérieuse photo bleutée (façon Miss Peregrine) où apparaissent les fameux yokaï. Selon les autochtones, cette lueur évoque aussi bien celle des onibi (feux-follets) que celle des... centrales nucléaires : "On a créé des monstres modernes pour remplacer ceux des traditions".
Ainsi on navigue entre le visible et le caché, le matériel et le surnaturel, le réel et l'onirique, le passé et le présent, dans ce Japon aux deux visages (telle la poupée qui, derrière son éventail, cache un visage de monstre) où tout est question de perception et de sensibilité. "Quand même, c'est une drôle d'histoire..." et l'on referme cet album insolite avec "l'impression de sortir d'un rêve".
Patricia Deschamps, janvier 2018