Né maudit

roman d'Arthur TENOR

J'étais "mal né", comment pourrais-je bien vivre ?

Nathan, 2013, 143 p.
Nathan, 2013, 143 p.

 

Né en mai 1944, François est le fruit de l'amour éphémère d'une jeune Française et d'un officier allemand pendant l'Occupation. Abandonné par sa mère, il est confié à une famille d'accueil où il reçoit affection et attention.

 

Jusqu'à ce qu'il en soit arraché par une grand-mère aigrie, qui l'humilie, le punit pour un rien, lui faisant payer la honte de ses origines... Car François est un " fils de Boche ", un enfant né maudit, un de ces innocents châtiés au seul motif qu'on ne leur pardonne pas d'être ce qu'ils sont : des enfants de la guerre.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

L'histoire poignante d'un petit garçon victime de la méchanceté collective.

Après celui de Il s'appelait... le soldat inconnu, c'est le parcours d'un autre François que nous raconte Arthur Ténor avec une plume laissant bien transparaître le mélange (communicatif !) de passion et de révolte qui l'anime depuis qu'il a vu un reportage sur "les enfants maudits" de l'Occupation (près de 200 000 !), et qu'il a interviewé l'un d'entre eux.

 

Considéré comme un "paria coupable d'un crime odieux" parce que sa mère est tombée amoureuse d'un soldat allemand (pourtant "des gens comme nous !"), le petit garçon subit "la haine viscérale à l'égard des Allemands" née de la Grande Guerre et renforcée par cinq ans d'une Seconde Guerre traumatisante pour la population. Les brimades et humiliations sont amorcées par sa grand-mère maternelle, dont le mari a été tué dans les tranchées par les Allemands, et qui "a reporté sur moi sa douleur et sa rancune". Elle est bientôt suivie par l'instituteur du village, les camarades de classe, puis les habitants dans leur ensemble : "Mais pourquoi fallait-il que les grandes personnes s'acharnent à vouloir mon malheur, moi qui ne demandais rien à personne, rien !". Tout ce qui est reproché à François, c'est d'avoir "du sang de Boche qui coulait dans mes veines", ce qui lui donne un profond sentiment d'injustice, "une terrible rancune contre la Terre entière". Ainsi, lui qui était "un enfant calme par nature" se voit traité comme un "voyou", ce petit "orphelin victime de guerre" devient aux yeux de tous "un pestiféré traître à la nation" surnommé "Tête de Boche". Des années de calvaire qui feront de lui une "boule de haine" et un concentré de désespoir.

 

Heureusement "on rencontre aussi sur terre des êtres vraiment humains" qui l'aideront à sortir de sa "vie de Poil de Carotte" et même à remonter la trace de ces fameux parents qui lui ont donné un départ dans la vie si difficile. Pour autant François saura pardonner, car "ça pouvait s'expliquer, même si ça n'est pas excusable". On comprend en effet à travers ce roman "comment un contexte historique peut conditionner le comportement d'une société"... Il s'agit avant tout "de faire un travail de mémoire, car cette réalité des enfants de la guerre a été complètement occultée pendant près de cinquante ans" !

Patricia Deschamps, mars 2018

♦ Le conseil de PrettyYoungCat :

"En parlant d'enfant de la honte qui porte un poids dont il n'est pas responsable, voici le documentaire "Les pouponnières du IIIe Reich" avec des témoignages d'enfants issus de Lebensborn."

► A lire sur le sujet : Max de Sarah Cohen-Scali


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