C'était donc la journée "Cassons tous la gueule à Patrick".
Patrick, 14 ans, fan de dessins et de jeux vidéo, vit dans une cité avec son grand frère Abdel et leur mère.
Le premier fait des allers-retours en prison tandis que la seconde est coincée entre une vie qui ne la satisfait pas et un alcoolisme rampant.
Jusqu'au jour où le terne quotidien de l'ado prend un tour carrément macabre et inattendu...
(4e de couverture)
Mon avis :
L'histoire bouleversante d'un ado des cités dont la vie tourne au drame.
C'est un récit rétrospectif que nous fait Patrick : âgé de 21 ans, il revient sur l'année de ses 14 ans où tout a basculé. "Mon avenir à moi, je le connaissais depuis que je suis né": de père inconnu (et différent de celui de son frère), tentant de survivre au quotidien avec une mère alcoolique qui le frappe et des camarades qui l'humilient au collège, Patrick est un "gosse minable" comme tant d'autres, évoluant dans une misère sociale et affective. Si son récit est un peu faussé du fait qu'il l'écrit avec le recul de l'adulte ("Je n'avais pas exactement conscience du fait qu'elle était folle. C'était juste ma mère et je n'avais pas le choix."), il s'efforce de retranscrire les émotions qu'il a pu éprouver (et qu'il éprouve encore, toujours meurtri) : l'importance de Mégane, sa meilleure amie, avec qui il passe des heures à jouer aux jeux vidéo et projette de réaliser le leur, Nightwork ("réfléchir à mon jeu vidéo, ça m'a fait du bien"); la complicité avec son frère, malgré ses petits trafics dans le quartier qui lui ont déjà valu un séjour en prison ("Je ne voulais pas être séparé de mon grand frère"); le sentiment de ne pas être "des mauvaises personnes" au fond, même s'il se sent "coupable d'avoir eu une vie insupportable"(!).
Toute cette première partie est construite dans le suspense du fameux "élément perturbateur" qui va faire exploser la situation. Ensuite on passe presque en mode thriller tandis que l'on suit les deux frères affrontant les conséquences de leur acte. Secret et mensonges sont au cœur de tous leurs agissements pour pallier les difficultés. "Un jour tout ira mieux" assène Abdel mais "plus on me répétait ça, moins j'y croyais". Et en effet, "rien ne s'arrête, il faut agir pour ça" et c'est ce que va faire l'adolescent au bout du compte. Si sa méthode est surprenante (punitive alors qu'il n'est responsable de rien...), elle a au moins le mérite de le faire "sortir de ma vie", cette vie détestée, et de, enfin, "m'échapper de tout ça". Un final en forme d'espoir encourageant à lutter contre la fatalité : "Ce qui m'intéresse, c'est l'avenir".
Patricia Deschamps, décembre 2018