Yannis vit avec son père Démosthène sur l'île grecque de Vathy. Depuis que sa mère est morte, l'ambiance est morose entre eux : son père, enfermé dans la souffrance de son deuil, ne dégoise jamais un mot, à part pour donner des ordres à Yannis ou le réprimander. Le jeune
garçon évolue donc dans une solitude sauvage, entre la réparation des filets de pêche, l'entretien du potager, la traite de sa chèvre
et la vente de produits sur le marché.
Mais un jour, alors que son père l'envoie livrer des bouteilles de raki sur un navire marchand, Yannis découvre un oisillon tout mal en point. Attendri par le petit animal affamé et baignant dans ses excréments, il convainc le capitaine de le lui céder en
échange d'une croix en or qu'il porte autour du cou.
De retour chez lui, Yannis s'organise pour nourrir et soigner l'animal en secret. Il apprend vite qu'il s'agit d'un
pélican, qui une fois adulte peut mesurer jusqu'à 1m60 ! S'il apprenait tout ça, son père serait
furieux... D'autant plus que le pendentif que Yannis a cédé appartenait à sa défunte mère...
Mon avis :
Quelle magnifique histoire ! D'emblée on est transporté dans les Cyclades, écoutant le chant de la mer Ionienne, respirant le doux parfum des citronniers et des herbes aromatiques, tandis que le soleil réchauffe la peau... Le style, très lyrique, fait la part belle à la nature, faisant naître sous nos yeux des paysages magnifiques dans l'atmosphère paisible, un peu hors du temps, de cette famille de pêcheurs. Yannis évolue dans une nature encore sauvage, préservée, menant une vie simple, dans des conditions modestes.
Très peu de personnages autour de lui : Papa Kostas, vieil homme d’Église vivant dans un monastère, lui sert un peu de mentor, voire de père de substitution. Papa Kostas fait l'école à Yannis et surtout l'écoute et le conseille. C'est à lui que le garçon confie son secret, ainsi que toutes ses émotions, notamment ce mélange de colère et de détresse vis-à-vis de son père, ce barbu bougon, cet "affreux bonhomme" qui le délaisse voire l'ignore. Papa Kostas encouragera également l'amitié de Yannis pour Périclès, qui travaille au kafénion (bar) de son oncle pour l'été : pour l'ecclésiaste, il est temps que le garçon sorte de sa solitude ! Et c'est certainement parce qu'il se sent seul et délaissé que Yannis s'attache autant et aussi vite à son pélican Nicostratos.
La complicité entre l'enfant et l'animal est immédiate : un regard, un claquement de langue suffisent à Yannis pour se faire comprendre. Il faut dire qu'une grande tendresse unit les deux êtres, Nicostratos comblant bien sûr le manque d'affection qui touche tant Yannis. Le pélican a un comportement très expressif, à tel point qu'on pourrait presque le croire humain ! Il grogne, il se dandine, mordille du bec, semblant ainsi réellement converser avec son jeune maître. Le bonheur de ces deux-là chahutant ensemble sur la plage ou dans la mer fait plaisir à voir ! Alors bien sûr la vie leur réserve quelques mésaventures, car l'intrigue ne manque pas de rebondissements... mais celles-ci contribueront à faire grandir Yannis, car s'il a des allures contemplatives, ce livre est également un roman d'initiation.
Nicostratos, qui a été adapté au cinéma en 2011, est sans conteste mon roman préféré d'Eric Boisset !
Patricia Deschamps, octobre 2014