« La grossophobie définit l’ensemble des discriminations que vivent les personnes grosses dans notre société. Elle est constante dans nos vies, de l’enfance à l’âge adulte. C’est une discrimination silencieuse, ignorée, légitimée. Alors voilà, la grossophobie elle est partout, tout le temps. Et tout le monde s’en fout. »
(4e de couverture)
Mon avis :
Il n'est pas facile de "traverser les événements sans jamais couler"... Dans cette bande dessinée autobiographique, Marie de Brauer nous embarque, au fil des années, dans son quotidien de "gourmande" ("Je suis grosse. Ça fait partie de moi, tout le temps, depuis toujours").
La mise en page est très libre, sans vignettes, avec un graphisme très coloré à dominante rose. Il se coordonne parfaitement avec la personnalité de l'autrice, jeune fille épanouie et pleine de vie.
Jusqu'à ce que Marie prenne conscience du regard des autres... Car ce sont bien eux - prof de danse, médecin, camarades et même famille - et leurs remarques en apparence anodines ("Qu'elle est jolie, ta fille! -Ah ça oui... Qu'elle est marrante, la tienne!") qui la font peu à peu sombrer dans la honte et la culpabilité ("A chaque bouchée, j'avais l'impression de commettre un crime"). Maigrir, arrêter de bouffer, moche, régime... "On ne va pas se mytho: notre société ne trouve pas les personnes grosses très belles". Il suffit de voir la plupart des actrices et mannequins.
Marie complexe, et ses relations sentimentales sont compliquées. Par "peur de ne pas lui plaire parce que je suis grosse", la jeune femme reste dans des rapports superficiels, purement sexuels ("et même pas du bon sexe"). Même si elle s'efforce de garder le cap, on la sent triste et en colère à la fois. Quand elle réussit à perdre quelques kilos (vite repris), elle a "la rage que les gens qui m'aiment aient pu penser un jour que j'étais MIEUX mince, plus belle, plus heureuse, plus sympa... Est-ce qu'au fond ils pensent tou·te·s que ce "moi grosse" est moins bien? Ce corps, c'est le mien. C'est moi. Ça ne change rien à qui je suis."
Elle passera un cap le jour où elle commence une thérapie avec une psychologue. Celle-ci lui fait comprendre que "vous prenez le problème à l'envers. On ne devient pas mince pour aimer son corps. D'abord on s'aime, on se fait du bien, et peut-être qu'après le corps change." Ensemble, elles travaillent sur l'amour de soi, apprennent à ne plus monopoliser ses pensées sur son corps, à ne plus penser constamment au regard des autres. Le poids est souvent "l'arbre qui cache la forêt de mes emmerdes"...
Dès lors on voit Marie entreprendre des actions pour se percevoir différemment et ainsi amener les autres à penser différemment face à une personne grosse. Comme le dit très justement sa mère: "Quand ça ne va pas, prends une décision"!
Patricia Deschamps, novembre 2023