Naissance des cœurs de pierre

roman d'Antoine DOLE

Elle voulait qu'on l'aime, qu'on se préoccupe d'elle.

Actes sud junior, 2017, 146 p. (Romans ado)
Actes sud junior, 2017, 146 p. (Romans ado)

Dans quelques jours, Jeb va entrer dans le Programme. C’est la loi du Nouveau Monde : à douze ans, chaque enfant de la communauté doit commencer un traitement qui annihile toutes les émotions, dans le but de préserver l’équilibre de la société. Mais Jeb ne peut s’y résoudre, quitte à se mettre en grand danger...

 

Nouvelle au lycée, Aude subit tous les jours de nombreuses moqueries et insultes de la part des autres élèves et trouve refuge dans les bras de Mathieu, un surveillant du lycée. Un premier amour qui va faire naître en elle des sentiments aussi intenses que dévastateurs.

 

Une jeune fille d’aujourd’hui qui fait une rentrée difficile au lycée, un garçon qui semble habiter un futur aseptisé et inquiétant où les émotions sont prohibées… Quel est le lien mystérieux qui les unit ?

(texte éditeur)

Mon avis :

Est-on encore vivant, et même humain, quand on n'a plus d'émotions ?

Comme souvent dans les romans ado d'Antoine Dole, c'est la souffrance qui prédomine. Celle d'Aude tout d'abord, harcelée dans son nouveau lycée (Henri-IV, dont on retrouve l'univers dans le roman de Clémentine Beauvais, Comme des images) et qui croit trouver refuge dans les bras de Mathieu. Celle de Jeb ensuite, contraint dans son Nouveau Monde d'annihiler toutes les émotions qui bouillonnent en lui. Au cours d'une cérémonie à l'âge de douze ans (comme dans Le passeur de Loïs Lowry - d'ailleurs le fonctionnement de la Communauté avec sa Table des Lois, sa constitution imposée des couples etc. rappelle beaucoup ce roman), chaque enfant se voit "libéré" des émotions qu'il peut ressentir car elles sont jugées dangereuses pour soi et la société : "C'est ce qui nous tue." 

 

Ainsi, "chaque personne vivant ici n'était que la photocopie d'une autre." Et c'est bien ce qui fait souffrir Jeb : le refus de sa différence. C'est un garçon sensible possédant "une énergie de vie qui ne se résigne pas", et l'on considère qu'il n'a donc pas sa place dans la Communauté, tout comme Aude a la sensation "de ne pas être au bon endroit" dans son lycée. Ils sont également en commun de se sentir rejetés par leurs parents : Jeb guette, en vain, la moindre manifestation de tendresse dans le visage impassible de sa mère (engourdie par de mystérieux "comprimés"), tandis que Aude subit la colère de son père alors qu'elle n'attendait qu'un peu de compréhension. Du coup le récit s'alourdit de pesantes descriptions de leur souffrance au quotidien qui finissent par sembler interminables car inutilement redondantes.

 

Le lien qui unit Aude et Jeb est inattendu mais cohérent. Le dénouement est surprenant : comme dans K-Cendres (du même auteur), le monde de Jeb vole en éclats pour dévoiler une réalité toute aussi sordide. Cependant, quand un roman en évoque tant d'autres (l'éradication de la douleur est aussi le thème du roman #Bleue de Florence Hinckel), c'est parfois qu'il manque d'originalité, malgré ses qualités d'écriture et de réflexion.

Patricia Deschamps, mars 2018


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