- Ca ne doit pas être facile tous les jours, ai-je dit doucement à Garance.
- Non, m'a-t-elle répondu, mais pour lui non plus.
Garance, 14 ans, aimerait vivre comme toutes les autres adolescentes de son âge. Mais le quotidien de la famille est rythmé par Adam, son petit frère. Ce dernier, atteint d'autisme, est victime de violentes crises qui bouleversent tous les membres de la famille.
Mon avis :
L'originalité de ce récit, c'est qu'il se présente comme un journal intime et qu'il alterne le point de vue interne de Garance, dont le petit frère est autiste, avec celui, externe, de Hugo qui vient d'arriver dans sa classe. Il n'y aucune transition ni aucune indication dans le passage de l'un à l'autre, mais une fois la surprise passée, on suit très bien les propos.
Garance raconte l'enfer de son quotidien régi par Adam le "dictateur" ("La maison vit au rythme d'Adam") qui plonge sa mère dans la détresse. Supporter les crises, affronter le regard des gens ("Trop la honte et la galère"), subir cette étiquette de "fille qui a un frère autiste", vivre dans un monde réduit au foyer car il y a plein de lieux où la famille ne peut aller et d'activités qu'elle ne peut pratiquer: c'est tout cela que subit chaque jour Garance, qui souffre au point de pleurer en classe.
Hugo, pour qui Adam n'est, au départ, qu'un "débile" et Garance un "boulet", va peu à peu apprendre à les connaître et changer son regard sur eux, aidé en cela par son père, un homme ouvert d'esprit et bienveillant. Les sentiments ne sont pas étrangers à l'intérêt que Hugo porte à Garance, et dans sa volonté de lui plaire, de se rapprocher d'elle, il va être amené à côtoyer ce "fou furieux" d'Adam et mieux comprendre sa façon de fonctionner. Derrière le retard scolaire et intellectuel se cache en effet un petit garçon "emprisonné dans une sorte d'armure" qui l'empêche, malgré lui, de communiquer avec les autres. Dès lors, pas d'autre solution que de s'adapter à lui... Même si l'histoire se termine par un happy end peu crédible, le message transmis (faire preuve de tolérance, de compréhension, chercher des solutions) est le seul possible.
La partie documentaire est assez érudite mais très instructive. Elle explique que l'autisme est considéré comme un handicap car c'est "un repli sur soi involontaire, une incapacité innée à établir le contact avec les personnes". Cet isolement social est la caractéristique commune à tous les autistes. S'y ajoute la recherche d'immuabilité (maintenir l'environnement à l'identique), d'où l'importance des rituels afin de limiter les crises d'angoisse. Les autistes sont également limités dans la variété des activités spontanées: ils aiment faire et refaire, au point de devenir experts dans certains domaines. Cependant ils ont tendance à ramener toutes les conversations à ce seul thème d'intérêt.
Contrairement à ce qui se dit souvent, il n'existe pas différentes formes d'autisme mais une variation du degré de sévérité d'un enfant à l'autre, d'où le terme de "Troubles du Spectre de l'Autisme". J'ai appris que les autistes pensent et raisonnent plus visuellement que verbalement. Ils ont une bonne vision des détails mais pas, ou trop peu de vision d'ensemble, d'où la difficulté à comprendre ce qui se déroule dans leur environnement, et la difficulté à décoder les expressions du visage. On cherche encore la cause exacte de ce dysfonctionnement: serait-ce un accident génétique pendant la période embryonnaire ?
Quoi qu'il en soit, plusieurs prises en charge existent, comme le SESSAD (Service d'Education Spéciale et de Soins à Domicile) où l'enfant peut apprendre à échanger avec des copains autistes comme lui, les CLIS (Classes pour l'Inclusion Scolaire) mais encore faut-il que les enseignants soient formés, ou encore les IME (Institut Médico-Educatif) qui assurent une éducation adaptée. Je ne suis pas sûre qu'il y ait dans ces structures de la place pour tous les enfants... L'ouvrage conclut d'ailleurs sur une longue liste d'associations, avec leur présentation détaillée: autant d'interlocuteurs pour écouter et aider les parents concernés!
Patricia Deschamps, septembre 2021