Il savait que les ordinateurs et les téléphones portables comprenaient dans leurs composants des minerais ou métaux rares. Ce qu'il ignorait, c'est que ceux-ci étaient extraits dans des conditions épouvantables, que leur exploitation causait des milliers de morts au moins et enfonçait plusieurs pays dans la guerre civile.
Marie, 18 ans, vient de perdre sa mère journaliste dans un accident de la route. En triant ses affaires, elle comprend qu’Irène s’intéressait aux conditions de fabrication d’un smartphone dernière génération et à un mystérieux individu lié à cette entreprise. Et si la mort de sa mère n’était pas accidentelle ?
Avec l’aide de Léo, un jeune hackeur, et de sa marraine Andrea, reporter italienne, Marie reprend l’enquête et remonte la piste d’un trafic de minerais rares en Afrique.
(4e de couverture)
Mon avis :
Ce tome 1 inaugure une série d'enquêtes journalistiques dénonçant des injustices dans le monde, qui s'avère prometteuse. L'intrigue débute avec la mort d'Irène, la mère de Marie, qui était grand reporter. Des retours dans le passé nous expliquent que celle-ci a autrefois enquêté au Sierra Leone sur "ces enfants destinés à devenir des esclaves dans les nombreuses mines de diamants du pays, où ils seront exploités sans merci, parfois jusqu'à la mort". C'était il y a dix-huit ans exactement, puisqu'elle était enceinte de Marie qui n'a jamais connu son père africain, tué à l'époque pour être intervenu. Or, peu avant de mourir dans un "accident", Irène avait revu l'assassin lors d'un colloque promouvant "le premier smartphone éthique", SmartGreen...
C'est Léo, alias Hell-O, ado hacktiviste ("On agit politiquement à travers des actions sur les réseaux informatiques") qui travaillait pour Irène, qui encourage Marie à reprendre l'investigation. Celle-ci semble un peu lente à démarrer parce que le lecteur a une longueur d'avance sur l'héroïne du fait des flashbacks. Mais avec l'arrivée d'Andrea, la marraine italienne de Marie également reporter, tout s'enchaîne ensuite: l'enquête internet sur le fabricant pseudo écolo du SmartGreen, celle, sur place en Afrique, du jeune Vianney et le point de vue de Cornic, "l'homme au couteau" et assassin des parents.
La psychologie des personnages est également très développée (trop parfois, j'ai trouvé, en ce qui concerne les personnages secondaires). Si Léo agace à ne jamais terminer ses phrases, Marie détient le caractère de sa mère: courageuse et déterminée malgré sa situation. C'est donc tout naturellement qu'elle décidera de suivre les pas de celle-ci à travers des études de journalisme, et une nouvelle enquête sur les coulisses de la mode et les conditions de travail des ouvrières dans les usines: "Fashion victim".
Patricia Deschamps, août 2023
Qu'on le veuille ou non, la vérité met souvent des gens en danger. Tout journaliste est responsable de ce qu'il écrit. Quelles que soient les conséquences.
Alors qu'elle étudie dans une école de journalisme, Marie enquête sur les coulisses de la mode et sur les conditions de travail des ouvrières dans les usines. Elle découvre que Yamaki, célèbre mannequin et fille adoptive de Luca Snyder, le P-DG qu'elle a contribué à faire arrêter dans l'affaire du SmartGreen, s'est suicidée. L'homme est persuadé que Marie, Léo et Andrea sont responsables et veut venger la mort de son enfant.
Mon avis :
J'ai trouvé le thème de cette deuxième enquête journalistique très intéressant mais le récit comporte des longueurs qui m'ont souvent fait lire en diagonale... Les auteurs savent créer une ambiance pour chaque scène, nous immergeant tour à tour dans l'esprit des différents personnages, cependant cette multiplication des points de vue noie un peu l'intrigue qui est longue à démarrer, et il y a peu d'action avant la deuxième partie.
Tandis que Marie entre dans son école de journalisme et que Léo entame un stage de hacker/agent secret, on fait la connaissance de Sophan, jeune Cambodgienne embauchée dans une usine de textile où les conditions de travail sont révoltantes: mains rongées par la teinture, poumons brûlés par les produits chimiques, violences et humiliations quotidiennes - tout ça pour répondre aux exigences de la mode. La "fast fashion" ou gaspillage vestimentaire, le "vite acheté, vite jeté", le prêt-à-porter "prêt-à-jeter": voilà le nouveau combat de Marie.
En réalité, il y a plusieurs thématiques imbriquées dans ce roman. Il est bien sûr question de la pollution liée à l'industrie textile, qui est une aberration écologique: "En moyenne, un jean neuf a consommé 11 000 litres d'eau et parcouru 65 000 km avant d'arriver dans votre armoire". Selon la Banque mondiale ou Greenpeace, "le secteur de l'habillement est responsable de 20% de la pollution industrielle de l'eau, il utilise un quart des substances chimiques produites dans le monde et représente 10% des émissions totales de carbone"...
Parler de mode, c'est aussi évoquer la "compétition féroce dans le milieu" du mannequinat. Pour la jeune Yamaki, "psychologiquement, c'est lourd" d'être la cible de tous ces followers qui dénigrent son image avec le hashtag #Yamakiout... Victime de harcèlement sur les réseaux sociaux, elle a fini par se suicider... Qui se cache derrière le profil Instagram @Fashioniskillingme? Luca Snyder, son père adoptif et P-DG de LookEe dénoncé dans le tome 1, est persuadé qu'il s'agit du trio Blackbone et il compte bien se venger... Cela crée une certaine tension, mais ce que l'on retient avant tout, c'est un personnage beaucoup plus humain présenté sous son visage de père.
Enfin, cette série met en avant les différentes facettes du métier de journaliste. Pendant son stage, Marie est cantonnée au rôle de "journaliste desk" qui consiste à rédiger des brèves à partir des dépêches de l'AFP. Mais compiler de l'info locale, ce n'est pas ce qui l'intéresse. Même si elle est consciente que "de l'insolite, du people ou de la fesse, voilà ce qui fait vendre", l'adolescente préfère le côté investigation des journaux d'opinion. J'ai apprécié de trouver, à la fin du roman, les articles qu'elle a rédigés sur l'industrie de la mode, quoiqu'un peu longs eux aussi, d'autant qu'ils répètent des faits déjà cités.
Patricia Deschamps, décembre 2023