Je me souviens précisément du moment où j'ai pensé que j'étais en train de perdre la boule, et je me souviens précisément de la pensée qui a suivi : la bonne nouvelle, c'est que je suis déjà dans un asile de dingue ; la mauvaise, c'est que c'est moi le médecin.
Abel Francis Sandro est affublé d'un tel patronyme parce qu'il est orphelin né d'une mère ayant accouché sous X. C'est dans un foyer géré par une congrégation religieuse qu'il a fait la connaissance de son copain Johnny. Plusieurs années d'éducation catholique, ça laisse des stigmates et finalement Abel a décidé de "faire une croix sur Dieu" que décidément il ne comprend pas.
Après Dieu, Abel décide de se tourner vers les hommes : il a envie de savoir "les gens comment ça marche", alors Abel se lance dans des études de médecine et se spécialise dans la psychiatrie. Il devient même médecin-chef du Pavillon 43 qui prend en charge des Chroniques, des patients atteints de troubles mentaux incurables : l'un se prend pour Jésus, l'autre pour une théière, une autre encore pour une petite fille de six ans alors qu'elle en a quatre-vingts. Mais une fois encore, Abel se heurte à l'incompréhension. Et lutte contre la dépression à grand renfort de vodka.
Mon avis :
Tout au long de ce roman, je me suis demandée si je devais rire ou pleurer ! Le narrateur a un côté pathétique avec ses doutes existentiels et ses déconvenues qu'il gère en soignant son niveau d'alcoolémie. Et en même temps il a des réflexions tellement farfelues voire alambiquées qu'il vaut mieux les prendre avec légèreté si l'on ne veut pas soi-même devenir fou !
Il y a une vraie détresse derrière chacun des patients du Pavillon 43 et l'on comprend que la folie soit devenue pour eux l'unique exutoire à une réalité trop difficile à affronter. Le meilleur exemple est certainement celui de "la petite Rose", la doyenne en régression à l'âge de ses six ans qui revit quotidiennement le jour où son père a quitté le domicile familiale avec le grand frère en promettant de revenir la chercher.
Mais pas besoin d'être interné pour être toqué, comme le démontre le personnage de Johnny "Rotten Walker", le roi des bons plans loufoques ! Alors oui les croyances en prennent un coup, oui Abel a des airs de martyr, oui la vie peut être désespérante, mais comme le laisse entendre la "morale" de l'histoire, peut-être tout n'est-il qu'une question de point de vue ! "Peut-être que les personnes sont comme les voitures. Ce n'est pas si important de savoir comment elles marchent, mais plutôt où elles vous emmènent"...
Patricia Deschamps, mai 2013