Un mauvais élément est par définition un élève qui ne se sent pas à l'aise dans la norme, dans le troupeau et en ce sens, je trouve qu'on devrait
respecter davantage les terreurs, les pitres, les fumistes, les bavards, les agitateurs, les insolents. Je pense que nous sommes les résistants d'un système qui ne donne pas assez la place à
toutes les formes d'intelligence.
Parce qu'elle a fait une année scolaire déplorable alors qu'elle est une "enfant intellectuellement précoce" au Q.I. impressionnant, Mentine est punie par ses parents pendant les vacances. Au lieu de venir avec eux au bord de la mer comme chaque année, la jeune surdouée parisienne est envoyée dans un petit village perdu au fin fond de la campagne du Larzac chez un vieil éleveur de brebis... où il n'y a ni réseau téléphonique, ni connexion internet !
Qu'à cela ne tienne, Mentine ne se laisse pas démonter : elle compte bien faire craquer Raoul parce qu'elle est "très douée pour abuser de la patience des gens" ! Mais le vieil homme est coriace...
Mon avis :
J'appréhendais un peu la lecture de ce livre parce que je n'avais pas aimé un autre roman humoristique de Jo Witek : Récit intégral (ou presque) de mon premier baiser. Mais comme le thriller Un hiver en enfer m'a réconciliée avec cet auteur, j'ai voulu faire un deuxième essai !
Et j'ai bien fait parce que cette lecture m'a fait passer un agréable moment ! Mentine est une adolescente à la fois agaçante et attachante : c'est une petite effrontée qui a la réplique cinglante, mais aussi une jeune fille qui souffre de sa différence. Pas facile d'assumer ses facultés hors normes ! Si Mentine s'évertue à saboter sa scolarité, c'est pour échapper à "la sale réputation d'intello"... Il y a en passant un passage contestataire sur le système éducatif particulièrement pertinent : "Les notes ne servent à rien. (...) Piger ou ne pas piger le cours est la seule véritable problématique." Tout est dit...
Heureusement, comme l'indique l'illustration de couverture avec une Mentine avant/après, la jeune fille va peu à peu changer son regard sur le monde et sur les gens au contact du vieux berger - et de son séduisant apprenti, Eric. Déjà, pour une fois, on lui tient tête ! L'adolescente se fait souvent remettre à sa place par Eric et Raoul qui pointent du doigt ses préjugés. Et puis dans ce coin perdu, tout le monde se moque éperdument de ses capacités intellectuelles, seuls comptent le soin aux bêtes et l'amour de la nature : "Personne ne me considérait comme un animal de foire et c'était plutôt reposant".
Alors jour après jour, Mentine va apprendre à s'occuper des brebis et des champs, à apprécier le goût des bonheurs simples, loin de ses préoccupations superficielles habituelles. Elle va même pouvoir afficher une passion qu'elle avait toujours tenue secrète : le besoin d'apprendre, de découvrir et de partager de nouvelles connaissances. Bref Raoul lui transmet le véritable sens de la vie, en insistant sur le fait que "seuls les actes comptent et montrent vraiment la personne que l'on est".
Et cette nouvelle Mentine qui éclot, plus naturelle, plus vraie, lui convient en fait beaucoup mieux ! "A force de me cacher pour apprendre et de ne cesser de jouer des rôles pour plaire ou déplaire aux autres, j'avais fini par oublier celle que j'étais vraiment. Et là (...) je trouvais que j'avais exactement l'allure de celle que je rêvais d'être." Et de conclure : "L'été de mes 12 ans, je crois que j'ai grandi. Dans la tête et le cœur."
Une jolie leçon de vie pour un roman empreint d'humour et de tendresse !
Patricia Deschamps, juillet 2015
J'avais envie de disparaître et en même temps d'être aimée. Que les autres m'aiment, parce que moi, je n'y arrivais pas vraiment. A m'aimer.
Après son été dans le Larzac, Mentine est remotivée pour son année de 3e. Mais dès la rentrée, tout va de travers. Invitées à la soirée organisée par le beau Téo Mallant - et pas elle - ses copines lui annoncent que depuis, celui-ci sort avec Lola... et que surtout, cette dernière en a profité pour lui révéler que Mentine a un QI super élevé. Furieuse, l'adolescente déclenche une bagarre avec son ex-amie...
Dès lors, rien ne va plus. Non seulement Mentine a brutalement perdu l'amitié de Lola, mais la rumeur de sa précocité ne tarde pas à se répandre. Harcelée, Mentine subit les moqueries, et riposte de sa verve cinglante. L'ambiance devient insupportable et le directeur la renvoie.
Les parents de la jeune fille décident alors de l'envoyer dans un établissement spécialisé, en Suisse...
Mon avis :
Ambiance morose dans ce tome 2...
On retrouve une Mentine complètement déprimée, anéantie par l'attitude de son amie Lola et traumatisée par les moqueries de ses camarades de classe. On est loin de l'humour du premier ! Heureusement il y a sa copine Johanna pour la soutenir quoi qu'il arrive : "Une vraie amie, c'est quelqu'un qui te protège".
C'est donc le moral au plus bas que l'adolescente débarque au pensionnat. Mais comme dans l'épisode de la ferme, ce qui lui apparaît comme une situation insupportable va se révéler une magnifique expérience. Car dans cet établissement pour enfants précoces, tous ont un peu le même profil que Mentine : des capacités hors du commun mais une certaine inadaptation sociale. La jeune fille a même l'impression d'être "nulle" comparée aux autres : elle a tellement l'habitude de masquer ses facilités pour se faire accepter !
Mais dans cette "école refuge" où l'approche pédagogique est "aussi atypique et audacieuse que mes pensées", et où elle entourée de sa "marraine d'intégration" Luce - "aussi gonflée et insolente que moi" - et du séduisant Alexandre, Mentine va progressivement reprendre confiance en elle. Elle va apprendre la persévérance aussi, et à être moins égoïste. Une étape supplémentaire vers la maturité et l'acceptation de soi ! Mais j'ai trouvé que ce roman comportait trop de dialogues creux et de pseudo réflexions sur les préoccupations adolescentes (la puberté, l'amitié, l'amour) pour être véritablement captivant.
Patricia Deschamps, juin 2016