Ma meilleure amie s'est fait embrigader

roman de Dounia BOUZAR

"- Etre coupée d'Internet, ça te permet de repenser par toi-même ?"

Camille hoche la tête.

De la Martinière, 2016, 235 p.
De la Martinière, 2016, 235 p.

 

Comment peut-on passer d'une vie de jeune "normal" à celle de prétendant au Djihad ? Comment la radicalisation arrive-t-elle ? Par quelles étapes ? Quel processus ? Pourquoi l'entourage ne voit-il rien ?

 

Dounia Bouzar s'est glissée dans la peau d'une fille, Sarah, dont la copine s'est faite embrigadée... Elle raconte comment elle n'a rien vu, et ensuite, elle réalise toutes les étapes par lesquelles Camille est passée avant d'être complètement happée.

Mon avis :

Le titre et la photo de l'auteur en couverture pourraient laisser penser que ce livre est un témoignage : il n'en est rien, nous sommes bien dans une fiction. Pour autant, on sent que l'auteur maîtrise parfaitement son sujet.

Les chapitres alternent les points de vue de Sarah et Camille, ce qui permet d'avoir une perception très complète, à la fois externe et interne, de chaque événement. Avec Camille, on comprend la méthode des rabatteurs pour embrigader les jeunes - même si la radicalisation de la jeune fille semble un peu trop rapide pour être tout à fait crédible. L'auteur insiste sur le rôle néfaste des réseaux sociaux, qui facilitent la prise de contact avec la "cible", et sur celui des vidéos Youtube qui manipulent facilement les plus crédules : "Les intégristes font croire aux jeunes qu'ils sont persécutés partout dans le monde et qu'ils doivent émigrer en Irak et en Syrie pour rejoindre Daesh, seule terre où on les laisserait vivre leur islam". Mais justement, l'auteur insiste beaucoup sur le fait "qu'il n'y a pas la moindre goutte d'islam chez Daesh" !

 

A la différence de Camille, Sarah est musulmane. Elle comprend donc vite la manipulation exercée par les rabatteurs sur les jeunes qui ne connaissent pas cette religion. Les petites précisions (sur la viande halal, la gélatine de porc, le Coran, etc.) sont d'ailleurs très instructives. Le rôle de Sarah est avant tout celui de l'observatrice : l'embrigadée devient paranoïaque, se coupe de tout (amies, famille, loisirs...), se radicalise (port du niqab, propos extrémistes...). Par la suite, le personnage fait aussi comprendre l'importance de l'entourage pour sortir le jeune de cette emprise. Il s'agit en premier lieu d'échapper à l'emprise du groupe, de retrouver son individualité : "Si tu fonctionnes comme un individu qui pense, tu deviens un danger pour eux". Puis Sarah accompagnera Camille dans des groupes de paroles (dirigés par un psy) afin de témoigner et surtout analyser le processus de radicalité "parce que pour lutter, il faut d'abord comprendre".

 

Au bout du compte on a moins l'impression d'être dans un roman que dans un essai, l'ensemble étant très didactique. Mais l'auteur explique clairement et simplement les discours et les arguments développés par les djihadistes, ce qui fait de ce livre un outil d'information vraiment pertinent, pour les adultes comme pour les adolescents.

Patricia Deschamps, novembre 2016

 

L'avis de Catherine :

Je suis bien incapable de faire une critique tellement je ne sais pas si j'ai aimé ou pas. Sujet intéressant, délicat, (trop) actuel, flippant aussi... bref pas évident pour donner un avis... Il faut que je prenne du recul par rapport au sujet et que je pense à l'écriture du livre en fait. 

Je reconnais que l'auteur est fort bien documenté sur l'islamisme et le djihadisme, elle connaît le sujet. Cependant plus j'y pense plus je ressens cela: quelque chose me gêne dans ce livre, comme s'il surfait sur la vague, flirtait avec la sensibilité des gens, sûr d'être vendu. Même si le sujet est d'actualité et fort, important à traiter, pour moi ça sent trop la commercialisation et l'aubaine. 

Je n'ai pas accroché.

Décembre 2016


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