Cette vie nous demande des choix. Sans cesse. S'écrouler ou se battre. Se cacher ou affronter. Disparaître ou exister. Ce ne sont pas les autres qui font ces choix. C'est nous, et seulement nous.
Née garçon, Sara se sait être fille depuis la prime enfance. Avant même de pouvoir le formuler, de le comprendre. Mais elle a dû grandir emprisonnée dans un corps subi, moulée dans les lois de la masculinité, à ne pas pouvoir supporter son reflet dans un miroir.
Il fallait un changement, un réalignement de ce corps, et c’est à seize ans que Sara débute sa transition pour être celle qu’elle est, se sentir enfin vivante. S’autoriser à être un météore que plus rien n’arrête, même pas les coups et les insultes.
(4e de couverture)
Mon avis :
Un monologue dans lequel Sara évoque toutes les émotions qu'elle a traversées depuis l'enfance, à subir un corps qui n'est pas le sien.
La scène d'ouverture est saisissante tant est grand le contraste entre l'humeur enjouée de l'adolescente qui se balade au soleil, et la violence de l'agression qu'elle subit sur son chemin parce qu'elle a osé sortir en robe malgré son corps de garçon. L'événement est le déclencheur de son récit, car "les gifles, les crachats, les coups, les insultes" sont malheureusement son quotidien...
Pendant des années Sara a subi ("On encaisse comme on peut"), et toute cette haine, des autres et de soi, "on ne s'en défait pas" si facilement. "Prisonnière" d'un corps qui lui semble étranger, elle a développé un dégoût de soi qui l'a conduite à la détresse psychologique jusqu'à ce qu'enfin un médecin mette un nom sur ce qu'elle ressent: "la dystopie de genre". Les sentiments sont à fleur de peau et en même temps Sara s'exprime avec beaucoup de maîtrise de soi: elle a passé un cap, entamé une "transition" et assume désormais parfaitement qui elle est. Le texte est relativement court mais semble parfois un peu longuet du fait qu'il n'y a aucune action, à peine deux-trois anecdotes. La jeune fille ne fait que revenir sur son parcours émotionnel "pour être celle que je suis", et même si c'est avec des mots qui sonnent juste, l'on aurait apprécié davantage de vécu en plus du ressenti.
Au-delà de son seul cas, l'héroïne interroge sur la définition du genre ("C'est quoi être un garçon? C'est quoi être une fille?") et sur la question de l'identité ("Qu'est-ce qui me définit?"). Certainement pas le corps, mais plutôt ce que l'on est à l'intérieur ("Nos corps ne sont que des boîtes (...) c'est à l'intérieur que sont tous les trésors"). Au bout du compte Sara nous livre, de manière résolument optimiste, un plaidoyer universel sur l'acceptation de soi, la "liberté d'être".
Patricia Deschamps, janvier 2020