1916, quelque part sur le front de l'Est, entre Pologne et Russie. Trois orphelins sont les seuls
survivants dans un orphelinat. Derrière le portail, tout n'est plus que dévastation, ruines et décomposition. Ils n'ont qu'un seul moyen de survie : attirer, tuer et manger les soldats blessés cherchant un endroit où s'abriter.
Mais Otto ne peut plus supporter ce semblant de vie. Il découvre de nouveaux amis dans les magnifiques poupées victoriennes qui peuplent les
étagères d'une des pièces vides de l'orphelinat. Les poupées acceptent de l'aider à une seule condition : qu'il leur donne des yeux pour
remplir leurs orbites vides...
Mon avis :
Voilà une bande dessinée bien sombre, dans le scénario comme dans le graphisme, et même macabre avec ses cadavres partout. Nous sommes en pleine Grande Guerre, le typhus a décimé tout l'orphelinat et les trois enfants survivants évoluent au milieu des corps et de la misère.
Le trio est dominé par Maurice, le fils des (ex)directeur·trice, devenu cannibale par la force des choses (c'est un gourmand). Mais Maurice est un lâche, alors il envoie Ofelia et son petit frère Otto appâter les soldats à sa place ("Grâce à ces deux-là, je n'ai pas à sortir affronter le massacre"). Lui se "contente" de les abattre à coup de hache et de les cuisiner (oui, c'est gore). Peut-être qu'il culpabilise un peu quand même, Maurice... En tout cas il ne supporte pas qu'on le regarde.
Si Ofelia s'accommode de la situation ("Nous ne sommes pas les victimes de Maurice mais ses complices"), Otto, lui, "préfère la faim" ("Aucune guerre ne justifie ce qu'ils ont fait"). Et puis il y a les poupées (et Momo). Des dizaines de poupées ébréchées ayant appartenu aux enfants morts. Ceux-ci sont toujours dans leur lit au dortoir cependant leurs yeux sont stockés dans des bocaux (Il n'aime vraiment pas qu'on le regarde, Maurice). Et si les orphelins pouvaient ressusciter à travers les poupées? Est-ce que ce serait un peu étrange? Malsain? Mais au fond, ce qui est vraiment malsain, est-ce que ce ne serait pas plutôt la guerre elle-même, et ses conséquences?
Patricia Deschamps, septembre 2022