Quand on a peur, on ne croit plus en rien, ni aux belles choses, ni à ceux qui vous disent qu'ils vous aiment.
C'est la rentrée des classes, au collège Condorcet: Laure a le ventre noué, car depuis plusieurs années elle est la cible d'une bande de filles. Elles la harcèlent en prenant prétexte de l'amitié qu'elle porte à Eric, un garçon considéré comme différent car trop "intello". Dans le bus, à la cantine, durant la récréation, Emilie la meneuse et ses complices lui font vivre un enfer.
Et comme les années précédentes, Laure encaisse en silence. Elle n'a jamais osé en parler à ses parents. Et ses notes dégringolent...
Heureusement, pendant les vacances, Laure part prendre l'air chez sa tante Perrine qui habite dans le massif du Vercors.
"Peut-être que je trouverai ces mots
qui ne demandent qu'à venir..."
Mon avis :
Une analyse très fine du phénomène de harcèlement, tant du point de vue de la victime que de ses bourreaux.
Beaucoup de souffrance chez cette héroïne touchante qui évoque sa détresse quotidienne avec pudeur : la peur au ventre, la perte d'appétit, le sentiment d'abandon ("Les adultes ferment les yeux"), celui d'être épiée constamment, et aussi la forme de lâcheté qui entretient la loi du silence : "- Laure, tu vas bien ? Je répondais oui, parce que c'est plus commode que d'avoir à expliquer". A l'origine de ce harcèlement, trois fois rien : son amitié (assumée, pour le coup) pour Eric que les autres ont fini par surnommer "le barjo".
En face, une bande de collégiens que "la détresse des plus faibles attirent" et qui semblent "se repaître des angoisses qu'ils provoquent". A leur tête, Emilie, qui "mène une sale vie chez elle" : cherche-t-elle à attirer sur elle une attention qu'on lui refuse à la maison ? Se venge-t-elle de sévices subis ? On n'en saura rien, mais il y a là matière à réflexion : on ne devient pas harceleur par hasard. Léo, l'ancien timide, s'est laissé happer par la bande : "La bande, c'est ma survie", dit-il, et en harcelant les plus faibles que lui, il cherche clairement à gagner en popularité. Mais là où la situation devient malsaine, c'est lorsqu'il avoue prendre plaisir à la situation : "Ça me fait du bien de brimer les autres"...
Le déclic se fait lorsque Laure réalise qu'elle n'est pas la seule à souffrir : le petit 6e qu'on appelle "le sumo", Kenz le Syrien qui vient d'arriver en France, Claire/Vomito dont les parents divorcent, et même cette SDF aperçue à la gare. Mais entre relativiser et se trouver des excuses, la frontière est mince... Jusqu'à ce que le père de Kenz débarque au collège, déterminé à ce que l'administration règle le problème. Ainsi, il est possible de répliquer malgré la peur des représailles ! Ainsi, il existe des adultes prêts à l'écouter ! Ainsi, Laure ne mérite pas ce qui lui arrive ! Peu à peu, l'adolescente envisage de se prouver qu'elle "vaut mieux que cette loque qui accepte tout sans broncher", se motive à "donner une autre image de moi-même" et enfin, se libère de ses "égratignures intérieures".
Une thématique difficile traitée avec pudeur, autour d'une héroïne fragile et forte à la fois.
Patricia Deschamps, juin 2016