Ecrire une lettre est un geste d'amour ou d'amitié qui demande autant de soin que l'on a de sentiments pour la personne. Il ne s'agit pas seulement de lui donner des nouvelles, mais aussi de lui faire passer un moment agréable qui vous remplace le temps d'une lecture, donne l'impression que vous êtes là.
Au château des Rochers en Bretagne, la jeune Françoise de Sévigné et son petit frère Charles partagent leurs jeux avec Tiphaine, le garçon de ferme, et Fanchon, la soubrette.
Mais, pour Françoise, le temps de l'enfance est bientôt révolu : elle va avoir quatorze ans, l'âge de faire son entrée dans le monde, d'accompagner sa mère, Madame de Sévigné, dans les salons mondains parisiens, à commencer par celui de la célèbre Madame de la Fayette.
Françoise va s'y faire remarquer par sa naïveté, et s'apercevoir que, dans ce milieu, la franchise n'est pas forcément une qualité...
Et puis, persuadée que sa mère lui cache un secret, elle mènera l'enquête à Vaux-le-Vicomte, dans le somptueux château de Nicolas Fouquet, le ministre des finances de Louis XIV...
Texte : Virgule-Magazine
Mon avis :
Entrez dans le petit monde des Sévigné mère et fille !
C'est en effet une relation filiale que raconte avant tout ce roman, même si elle est davantage évoquée entre les lignes que décrite. Au château des Rochers, la jeune Françoise conteste beaucoup les principes de sa célèbre mère, à commencer par son mépris pour les domestiques : Mme de Sévigné réprouve son amitié avec Tiphaine ("Il n'est pas de notre condition") et avec Fanchon, la sœur de lait et confidente. Maintenant qu'ils ont tout trois grandi, chacun son rang !.. Et puis la jeune fille trouve sa mère très attachée aux apparences, à la bienséance, à toutes ces "minauderies" et autres attitudes artificielles qu'il faut afficher dans les salons de ces dames. En femme cultivée qui fréquente les personnalités les plus en vogue (on croise Mme de Scudéry, Jean de La Fontaine, Mme de La Fayette), Mme de Sévigné se soucie grandement de sa réputation. Dès que Françoise fait le moindre faux pas, elle s'en veut de lui déplaire, voire de lui faire honte : "sa mère n'est pas la gentille maman aimante qu'elle a toujours cru, mais une femme pour qui l'honneur est plus important que le bien-être sa fille"... Et c'est vrai qu'on la sent froide et distante cette femme indépendante qui a fait le choix d'éduquer elle-même ses enfants...
Mais en débarquant à Vaux-le-Vicomte, Françoise réalise progressivement le bien-fondé de l'enseignement de sa mère : "Que cette vie de cour est folle !" s'exclame-t-elle en découvrant ce milieu de "personnes médisantes", "d'hommes irrespectueux des femmes", "ces séducteurs, ces commérages, ces courtisans plus hypocrites les uns que les autres"... Françoise l'innocente étouffe dans ces assemblées de vipères où "rumeurs et ragots vont bon train" : "Personne n'est épargné, et elle s'aperçoit que sa mère l'a protégée jusque là". Heureusement celle-ci lui a fourni des armes: une capacité à "s'exprimer convenablement" pour éviter de devenir une cible, et un sens indéfectible de l'honneur : "L'honneur est la seule arme des femmes dans ce monde d'hommes", "lui seul nous permet de conserver un peu de liberté". Enfin, à travers les courriers que sa mère envoie, la jeune fille comprend que, contrairement à ce qu'elle pensait, sa mère lui trouve de nombreuses qualités, l'aime plus que tout et s'ennuie d'elle !
J'ai beaucoup apprécié les extraits remaniés d'authentiques lettres de Mme de Sévigné ainsi que les tableaux qui illustrent le récit, tout comme l'évocation de personnages célèbres que Françoise rencontre, tels que Molière, Corneille (père et fils) et Charles Perrault. Par contre le roman manque d'intrigue, le fameux secret de Mme de Sévigné est un peu mince et l'enquête concernant Fouquet menée par sa fille traîne en longueur. Malgré tout on se laisse embarquer par la plume fluide de l'auteur dans une époque parfaitement reconstituée, auprès d'héroïnes trop peu souvent évoquées dans la littérature jeunesse !
Patricia Deschamps, février 2017