Été 1989.
La Corse, presqu'île de la Revellata, entre mer et montagne. Une route en corniche, un ravin de vingt mètres, une voiture qui roule trop vite... et bascule dans le vide.
Une seule survivante : Clotilde, quinze ans. Ses parents et son frère sont morts sous ses yeux.
Été 2016.
Clotilde revient pour la première fois sur les lieux de l'accident, avec son mari et sa fille ado, en vacances, pour exorciser le passé.
A l'endroit même où elle a passé son dernier été avec ses parents, elle reçoit une lettre.
Une lettre signée de sa mère.
Vivante ?
(4e de couverture)
Mon avis :
Abandonné l'été dernier au bout de quelques pages, j'ai décidé de refaire un essai avec ce roman quand j'ai su qu'il était adapté en téléfilm. Apprenant dès les premiers chapitres que l'héroïne (jeune) était fan de Winona Ryder que je viens de retrouver dans la série "Stranger things", je me suis dit que la coïncidence était trop belle : il était venu le temps pour moi de me plonger dans cette histoire mêlant culture corse et secrets de famille dans une ambiance années 1980.
J'avais le même âge que l'héroïne en 1989 (14-15 ans), alors ce roman a été avant tout pour moi une plongée dans les souvenirs de l'époque. Musique, films: quel plaisir de partager les mêmes références (ringardes, certes!) d'adolescence dans les extraits de son journal intime, même si la nostalgie a un goût amer (30 ans sont passés tout de même...). Pour Clotilde aussi, remuer le passé a un goût amer, puisque les événements traumatiques qu'elle a vécus cet été-là sont empreints de nombreuses zones d'ombre "comme si une vérité inavouable se dissimulait derrière, une vérité qu'elle n'avait pas su deviner en 1989, du haut de ses quinze ans"... On la suit dans son enquête intime, à la recherche des témoins encore présents, encore vivants (mais pour combien de temps?): Cervone qui a hérité du camping de son père, Orsu l'handicapé en charge de l'entretien, Maria-Chjara la bombe italienne réduite à imiter Sabrina dans la piscine, le beau Natale Angeli qui a renoncé à nager avec les dauphins, l'indétrônable Papé Cassanu chef du clan Idrissi et dans son ombre, Mamy Lisabetta l'épouse discrète mais indispensable...
Mais de ces années ne restent que "des rêves avortés, des illusions perdues, les promesses de la jeunesse qui s'éteignent une à une"... Dès lors "le passé est comme un boulet" qu'il va bien falloir exorciser pour continuer à avancer, pour se libérer. D'autant plus que la situation actuelle de Clotilde ne semble pas la satisfaire : "Son amour pour Franck qui s'effilochait, sa fille qui lui échappait, qui jamais ne lui ressemblerait"... On sent que la quadragénaire a beaucoup de choses à mettre au clair dans sa vie. Michel Bussi développe volontiers la psychologie de ses personnages (parfois trop, les scènes finissent par y perdre en intensité) et il a ici à cœur de faire comprendre la mentalité corse.
Celle-ci a une importance primordiale dans l'intrigue, même si elle n'explique pas tout. Sur l'île de Beauté, le nom d'Idrissi est associé à la puissance et à l'honneur: "Tout le monde craint Cassanu ici. Encore aujourd'hui. C'est lui le patron". Mais Clotilde n'est pas du coin alors "malgré le sang, malgré la terre dont tu hériteras, tu ne seras jamais de notre clan"... Tout comme sa mère avant elle. On sent bien que "c'est compliqué la Corse, la terre et la famille, la vie et la mort, l'argent et le pouvoir" car "le grand défaut des Corses peut-être, c'est de ne pas savoir changer". Compliqué aussi pour Clotilde de faire parler les gens, car personne n'a envie (ni intérêt) à dévoiler les secrets de famille.
Par ailleurs "les secrets d'un groupe d'ados sont plus difficiles encore à percer que ceux d'un village corse frappé d'omerta"... Clotilde se souvient qu'il y avait beaucoup de tensions au sein de la petite bande de son frère Nicolas, à cause des liens amoureux qui s'y tissaient (ou pas). La belle et sexy Maria-Chjara centralisait tous les regards, entretenant la rivalité entre garçons et la jalousie des autres filles. Bussi, lui, entretient les mystères, lâchant les éléments au compte-gouttes, il a l'art du suspense qui s'étire (qui s'étiole?). Au bout d'un moment la technique lasse, on se dit qu'il pourrait condenser un peu. Que plus on avance, plus on tombe dans le mélodrame. Malgré tout l'intrigue est bien pensée et j'ai trouvé que l'épilogue, pour le coup, associait bien idéalisme et réalité.
Patricia Deschamps, août 2019