Deux petites filles, la première vit en 1910, la seconde en 2010. Les deux s'appellent Marguerite et ont douze ans.
Un samedi matin où elles s'ennuient, elles grimpent au grenier et enfilent une robe ayant appartenu à une aïeule. Et chacune se retrouve dans l'époque de l'autre!
(4e de couverture)
Mon avis :
C'est à l'occasion de son adaptation au cinéma que cette sympathique histoire a été rééditée. Le graphisme est assez sobre mais il met bien en valeur la double intrigue passé/présent. La moitié haute de la planche, aux couleurs chaudes rose orangé, raconte les péripéties de la Margot de 1910, et la moitié inférieure, plutôt rose bleutée, celle de 2010. On suit en parallèle les deux fillettes chacune à son époque jusqu'à ce qu'un passage dans la malle du grenier les propulse dans celle de l'autre. Tandis que chacune découvre le quotidien de l'autre, on appréhende en simultané les ressemblances et les différences (de langage, de situation) entre les deux périodes.
L'inversion d'époque suscite la curiosité de l'une (celle arrivée en 2010) et la consternation de l'autre (celle projetée en 1910) tandis que le lecteur mesure l'évolution de la société en un siècle. On se rend compte du relâchement au niveau du langage et de la politesse ("Tu jures comme un charretier"), des libertés gagnées ("Crois-tu vraiment que ce sont des manières de jeune fille?"), de l'accélération du mode de vie ("Les bruits, les odeurs... Y avait trop de monde qui allait trop vite"). Alors que la Marguerite de 1910 découvre le téléphone, la télévision, les jeux vidéo, la chasse d'eau ("j'adore") et "le droit de ne rien faire", celle de 2010 constate que "la petite fille dont j'avais pris la place ne devait pas rigoler tous les jours" et contribue à ouvrir l'esprit à "sa" famille de 1910 quant au racisme ("Ça va pas de les traiter de nègres!" s'énerve-t-elle devant le village indigène au zoo), au mariage obligé des jeunes filles ("Je veux d'abord faire des études, pour apprendre le métier que j'veux") et à la tolérance en général ("Tu m'as ouvert les yeux"). Il y a d'ailleurs un mystère autour de la tante Léonora à qui appartenait la fameuse malle: le sujet est tabou dans la famille de 1910, apparemment lié au choix de vie de celle-ci ("Ses plumes et ses fanfreluches! Ses tours de magie!"). On n'en saura guère plus (et c'est dommage) mais le message glissé à travers toute cette aventure semble bel est bien de sensibiliser à l'ouverture d'esprit en général, loin de tout jugement.
Après avoir mesuré tout ce que l'on a gagné ("punaise de progrès") et perdu au fil du temps, on regarde avec attendrissement les Marguerite réintégrer leur époque respective, heureuses de l'expérience mais soulagées de retrouver leur famille malgré tout. Elles qui s'ennuyaient en début d'album, nul doute qu'elles sauront désormais apprécier ce qu'elles ont!
Patricia Deschamps, août 2020
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