Le prince et la couturière

bande dessinée de Jen WANG

La cliente, ce n'est pas celle qui porte la robe. La cliente, c'est celle qui paye !

Akileos, 2018, 285 p.
Akileos, 2018, 285 p.

Le prince Sébastien cherche sa future femme, ou plutôt, ses parents lui cherchent une épouse… De son côté, Sébastien est trop occupé à garder son identité secrète à l’abri des regards indiscrets. La nuit, il revêt les tenues les plus folles et part conquérir Paris sous les atours de l’époustouflante Lady Crystallia, l’icône de mode la plus courue de toute la capitale !

Sébastien a une arme secrète : sa couturière, Francès, une des deux seules personnes à connaître son secret, et sa meilleure amie. Mais Francès rêve de s’accomplir par elle-même, et rester au service du prince lui promet une vie dans l’ombre… pour toujours. Combien de temps Francès supportera‑t-elle de vivre dans le boudoir de Sébastien en mettant ses rêves de côté ?

(4e de couverture)

 

Mon avis :

lire le début de l'album
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C'est pour les thèmes développés - la mode et la transidentité - que j'ai choisi cette bande dessinée, cependant j'en ai également apprécié le graphisme avec ses grandes vignettes, son trait un peu naïf et ses couleurs unies. Comme son titre l'évoque, on a l'impression d'être dans un conte ou un dessin animé. Si l'intrigue se déroule à une époque ancienne (seconde moitié du 19e siècle je dirais, parce qu'on y voit la naissance des grands magasins et du prêt-à-porter), le propos est très actuel.

 

Francès et Sébastien sont, chacun à sa manière, "le symbole de quelque chose de nouveau". La couturière bouscule les carcans de la mode en apportant un style innovant, et le prince ébranle les mentalités en sortant du rôle lié à son rang et à son genre. Celui-ci mène une double vie, faisant semblant, le jour, d'être conforme aux attentes de ses parents, et se libérant, la nuit dans les cabarets, sous l'identité de lady Crystallia ("Porter votre robe m'a transformé"). La situation est compliquée à gérer et le secret à garder... Certaines scènes sont drôles parce que Sébastien se retrouve dans des postures délicates (notamment aux bains), et il est ironique de voir que c'est un garçon déguisé qui est "celle à qui les jeunes filles veulent ressembler aujourd'hui"! Mais plus les chapitres défilent, plus on le voit dépérir: "Comment suis-je sensé être à la hauteur?"... Difficile, en effet, de se faire passer pour ce que l'on n'est pas...

 

Difficile également de ne pouvoir revendiquer son talent. Les robes imaginées par Francès, et mises en valeur par lady Crystallia, ont un succès fou, mais impossible de révéler que c'est la couturière personnelle du prince qui les confectionne ("On me copie et je ne peux rien y faire"). C'est d'autant plus frustrant que Sébastien a les relations pour mettre en avant les compétences de son amie. Ainsi, le secret de l'un étouffe aussi l'autre... La limite est fragile entre faire des concessions et se renier soi-même ("Ton nom est sur la robe mais la robe ne te ressemble pas").

 

Peu à peu le prince s'affirme face à ses parents (et Francès face au prince) et le clash devient inévitable. Chacun·e fera son choix... sans être heureux pour autant. Le chapitre final est aussi inattendu que grandiose, éclat d'audace et de subversion à l'image de lady Crystallia!

Un bel album qui encourage à s'affirmer malgré l'adversité!

 

Patricia Deschamps, avril 2021


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