Vivez, mon enfant, vous devez vivre.
Mai 1915. Sur une île déserte de l'archipel des Scilly, un pêcheur et son fils découvrent une jeune fille blessée et hagarde, à moitié morte de faim et de soif. Elle ne parvient à prononcer qu'un seul mot : Lucy. D'où vient-elle ? Serait-elle, comme le laisse supposer la couverture que l'on a retrouvée avec elle, une espionne au service des Allemands ?
De l'autre côté de l'Atlantique, le Lusitania, l'un des plus rapides et splendides paquebots de son temps, quitte le port de New York. À son bord, la jeune Merry, accompagnée de sa mère, s'apprête à rejoindre son père blessé sur le front et hospitalisé en Angleterre...
Texte : 4e de couverture
Mon avis :
J'ai trouvé le rythme de ce roman un peu trop lent. Rien que le résumé de la couverture représente déjà une centaine de pages... Ensuite, on passe beaucoup de temps dans les îles Scilly aux côtés de la mystérieuse Lucy : dans ces chapitres, l'auteur délaie l'action dans des descriptions un peu superficielles, et les "extraits du journal du docteur Cow" (le médecin du coin) sont un peu redondants avec le récit. Alors bien sûr la fillette est très attachante : traumatisée par ce qui lui est arrivé, elle est enfermée dans un mutisme dépressif dont la famille Wheatcroft cherche à la libérer avec beaucoup de patience et d'amour. On s'attendrit de sa réaction devant le piano, de sa complicité avec le cheval, du lien qui se noue avec le fils, Alfie ; on s'agace des moqueries et railleries qu'elle subit à l'école, on s'emporte face aux persécutions du directeur.
Mais au bout du compte dans tout ça, la guerre n'est qu'un vague arrière-plan... Seuls quelques chapitres sont consacrés à Merry sur le Lusitania, alors que c'est cet épisode historique qui m'a attirée vers le livre. Luxueux paquebot effectuant la traversée New York-Liverpool, le Lusitania a été torpillé le 7 mai 1915 par un sous-marin allemand au large de la côté d'Irlande alors qu'en théorie, les attaques de sous-marins étaient limitées par des accords internationaux aux seuls navires militaires et marchands...
Sur l'île, seul le personnage de Jack Brody, jeune mutilé de guerre handicapé à vie, rappelle le sinistre scénario se déroulant sur le continent : "J'enrage contre l'horreur de cette guerre.", avoue le Dr Cow, "Rien de bon ne peut en sortir". Sur cette petite île où les gens ont l'esprit étroit, seul le médecin ose défendre certaines idées, comme la paix - perçue comme anti-patriotique - mais aussi les conséquences de l'état de guerre qui "fait faire des choses terribles aux hommes" ainsi que le fait que la plupart des Allemands, comme les soldats alliés, se sont trouvés embarqués malgré eux dans ce conflit : Wilhelm est "un brave Allemand, tel qu'il y en a beaucoup, j'en suis sûr". La famille Wheatcroft, qui doit affronter de sombres rumeurs circulant sur leur protégée, n'ont d'ailleurs que le médecin comme soutien.
Le dernier quart du livre est heureusement plus riche en allusions historiques, avec le retour sur le sauvetage de la fillette - qui ne va pas sans rappeler Le royaume de Kensuké du même auteur. Cependant, à la différence de ce dernier, ce roman-ci est à réserver aux bons lecteurs : si le texte ne comprend pas de difficulté majeure, l'intrigue est tout de même très délayée voire répétitive, ce qui peut finir par lasser.
Patricia Deschamps, novembre 2016