Le mur des apparences

roman de Gwladys CONSTANT

Ironique, ça l'était, oui, que moi la proie des hyènes je sois encore debout quand leur reine et majesté, leur protégée, leur idole, s'était entaillé les veines avec un rasoir, laissant sa vie se déverser dans l'eau du bain.

Rouergue, 2018, 192 p. (doAdo)
Rouergue, 2018, 192 p. (doAdo)

 

Justine, lycéenne, est la cible d'attaques quotidiennes de la part de certains camarades qu'elle appelle les hyènes. À leur tête, la magnifique Margot, riche, populaire, enviable, et cela depuis l'école primaire.

 

Pourtant un matin, Margot ne vient pas en cours. La classe apprend alors son suicide. Pour Justine, c'est un choc: pourquoi en finir avec la vie quand on a tout? En menant l'enquête, elle va découvrir les fausses amitiés, les manipulations, les pactes secrets... et même pire.

Le mur des apparences va exploser.

 

(4e de couverture)

Mon avis :

Encore un livre sur le harcèlement? Sauf que celui-ci part dans une autre direction: à la mort de son "bourreau", Justine mène son enquête pour découvrir ce qui a bien pu amener Margot, meneuse charismatique des "hyènes" qui avait en apparence tout pour être heureuse, à se suicider...

A partir des carnets de Margot, Justine réalise vite que la jeune fille "avait le chic pour sauver les apparences et faire bonne figure" et qu'il ne fallait pas se fier à ce qui est publié sur les réseaux sociaux, donnant l'illusion d'une vie parfaite. Derrière son existence de princesse, Margot cache de lourds secrets de famille.

 

Mais le plus étonnant dans ce roman, c'est la transformation que réalise l'héroïne. Mal dans sa peau, dénigrée depuis des années par les copines de Margot (qui la surnomme Dégueulis depuis une soirée pyjama qui s'est mal terminée), solitaire qui se réfugie dans les devoirs, Justine se fait passer pour l'amie cachée de Margot grâce aux carnets qui lui donnent des informations sur la petite bande... et donc un certain pouvoir. Cependant, loin de chercher à se venger, Justine va en profiter pour changer son regard sur les autres et surtout sur elle-même: "Le calvaire quotidien qui était le mien focalisait mon attention. A présent que le brouillard se dissipait, je commençais à ouvrir les yeux sur le reste du monde".

 

En brisant "l'hypocrisie des convenances", Justine réalise et fait réaliser aux uns et aux autres, que "on était tous tellement obsédés par le malheur qui était le nôtre, tellement incapables de voir autour de soi, de regarder ailleurs... Et tellement convaincus de souffrir plus que quiconque", que personne n'a su voir le mal être de Margot ni l'aider. Elle-même se découvre de nouvelles amies, un groupe de filles noires qui se pensaient snobées car issues d'un quartier défavorisé, et crée des liens sincères avec une ancienne "hyène", Jessica, avec l'ex-petit ami de Margot, Jordan, ainsi qu'avec la petite sœur de Margot, Ludmilla, que le même danger que sa sœur guette ("La beauté est une malédiction").

 

Ainsi, malgré la gravité des thèmes abordés, le récit reste positif dans son ensemble, encourageant chacun à communiquer "dans le monde réel" plutôt que sur le mur des réseaux sociaux, à s'exprimer avec sincérité au lieu de se cacher derrière des secrets qui rongent, bref à nouer des relations plus authentiques car la véritable amitié, c'est s'entraider, pas se juger.

Patricia Deschamps, octobre 2020


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