Le livre de mes records nuls

roman de Bernard FRIOT

Flammarion jeunesse, 2014, 137 p.
Flammarion jeunesse, 2014, 137 p.

Ben Letourneux, 11 ans, est doué pour les records nuls. A force d'être la cible de remarques blessantes à la maison et à l'école, il capitule et accepte son nouveau statut de cancre.


Décidé à laisser une trace écrite de ses "exploits", il tient un journal classé top secret. Le "jury" lui décerne un diplôme personnalisé à la fin de chaque chapitre.


Ben se gratifie ainsi du "titre mondial du fils indigne incapable de reconnaître sa propre mère au milieu d'une foule limitée", du "plus grand dépareilleur de chaussettes" ou encore de la "médaille d'or de l'air naturellement bête toutes catégories" !..

L'avis d'Anaïs (9 ans) :


J'ai trouvé ce livre très drôle, il y a des records un peu zinzin comme faire trente-sept rots en un repas, ou encore entasser dans son tiroir des chaussettes trouées ou célibataires !! Le texte est imprimé comme s'il était écrit à la main, avec des mots entourés et des flèches, et aussi comme si c'étaient des feuilles de cahier.


Ben cumule les records de nullité mais au fond il n'est pas si mauvais, il fait le clown comme à l'école de cirque où il prend des cours. C'est difficile de raconter ce roman parce qu'il n'y a pas vraiment d'histoire ! Mais j'ai bien aimé, ça change des aventures d'animaux que je lis d'habitude.

Novembre 2014

L'avis de Michaël (13 ans) :

J'ai adoré ce livre ! Il est drôle, plein d'humour, bien écrit aussi, l'auteur se met bien dans la peau d'un enfant dans sa façon de s'exprimer. Les records sont complètement loufoques : le record de trucs collés sous la chaussure, le record de sourires aux gens (avec leurs différentes réactions), le record "du temps qu'on m'a volé" (tout le temps perdu dans une journée)... Le narrateur joue avec le lecteur, il l'interpelle, et puis il y a des annotations dans la marge. Il ne se contente pas d'enfiler les records, il y a une histoire aussi, notamment tous les moments passés à s'entraîner au cirque avec Lukas le clown muet, qui lui apprend à faire des ombres chinoises ou à raconter des histoires sans paroles. Le livre se présente comme un vrai journal intime écrit à la main, avec beaucoup d'auto-dérision (comme le Journal d'un dégonflé) : Ben s'attribue toutes sortes de diplômes du "jury" (lui-même) tous plus bidons les uns que les autres. On sent que derrière l'humour se cache un certain manque de confiance de lui, surtout que ses parents ne s'en occupent pas beaucoup. Heureusement il est compensé par ce qu'il peut apprendre en compagnie de Lukas. Un livre très sympa et facile à lire que j'ai apprécié de découvrir entre deux romans fantasy !

Mon avis :

Derrière l'apparent humour de ce carnet se cache une détresse poignante. Car si Ben joue la surenchère avec des records plus ou moins artificiels, c'est que les autres lui renvoient une image déplorable de lui-même. Quitte à être un nul, autant l'être avec panache, n'est-ce pas ! C'est tout l'art de tourner positivement une situation de réelle souffrance...

 

Le pauvre Ben semble en effet bien délaissé par sa famille : ses parents et sa sœur le rabrouent tout le temps, comme en témoigne le "record des insultes reçues". Au mieux ils se montrent indifférents, ne remarquant même pas son "record du silence" (51h sans parler, pourtant !), frôlant même la négligence lorsque le garçon bat son "record de saleté" en restant une semaine sans se laver sans que personne ne lui dise rien ! C'est "comme si j'étais transparent", déplore-t-il, comme si ses parents et lui étaient des étrangers - d'ailleurs lui-même confond sa mère avec une inconnue qui lui ressemble un matin sur le marché ("record du fils indigne") !

 

Heureusement il y a Lukas le clown qui va peu à peu lui redonner confiance à travers les cours qu'il lui dispense à l'école du cirque. Étant muet, Lukas va lui transmettre l'art de l'expression corporelle et Ben va découvrir que dans ce domaine, il est doué ! Lukas l'encourage, le fait participer à ses petits spectacles de rue, tissant une belle complicité entre eux. Dès lors "faire le clown" devient un métier avec ses techniques et ses exigences, une activité dont Ben est fier : "Tant mieux si on me prend pour un clown".

 

Lukas va aussi changer le regard de Ben sur les autres et sur le monde. Le "record du temps volé" est une belle réflexion sur toutes ces contingences et toutes ces obligations qui nous empêchent souvent d'utiliser notre temps libre comme bon nous semble : "Je n'ai pas perdu mon temps. On me l'a volé." - et pas moyen de se le faire rembourser ! Lukas transmet également des valeurs altruistes, insistant sur ces petits gestes du quotidien tout simples et pourtant si efficaces pour créer du lien avec les gens ou juste rendre la journée plus agréable : "J'imaginais qu'il suffisait de sourire pour rendre les gens souriants, mais c'est plus compliqué. Il faudrait qu'ils suivent tous des cours avec Lukas et apprennent à parler moins et regarder plus."

 

L'histoire se termine sur le spectacle de clown de Ben qui rend (enfin !) ses parents fiers de lui. Les records s'arrêtent brusquement, parce que Ben a changé, être clown marque l'accomplissement de sa personnalité : il a trouvé une nouvelle façon (épanouissante) de s'exprimer, plus besoin de consigner des records nuls !

Une histoire touchante autour d'un petit garçon sensible que l'on regarde avec plaisir trouver sa voie.

Patricia Deschamps, novembre 2014


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