Été 1914. Adèle commence enfin le journal qu'elle a reçu pour Noël : la guerre qui menaçait est désormais officielle ! Le journal que tient Adèle l'aidera-t-il à avoir moins peur ? Ses frères mobilisés reviendront-ils à la ferme ? Reverra-t-elle Lucien, son filleul de guerre, venu un jour en permission ? Qu'adviendra-t-il d'Alette, sa meilleure amie ?
Les années passent dans le petit village de Bourgogne, rythmées par les travaux des champs, les nouvelles du front. La guerre tue, mutile les soldats, affame les gens de «l'arrière», endeuille les campagnes. Adèle grandit et rêve de devenir institutrice dans un monde meilleur…
(4e de couverture)
Mon avis :
Un journal qui donne une vision d'ensemble de la guerre, entre vie à l'arrière et nouvelles du front. Adèle, 14 ans au moment de la mobilisation, livre à son cahier les sentiments qu'elle ne peut exprimer à ses proches car "on ne peut parler de rien": "On vit dans l'anxiété et je n'ai personne à qui parler de la mienne", "Sous prétexte que c'est la guerre, on n'a plus le droit de rire!". Tout au long du conflit, son humeur naviguera entre détresse ("On est démoralisé") et espérance ("J'ai décidé de me secouer et de reprendre le dessus").
Dans ce petit village de campagne, la déclaration de guerre a surpris les hommes en pleine moisson, juste avant les vendanges : c'est désormais à ceux qui restent (les femmes, les anciens, les enfants) d'assumer les travaux des champs car dès 1915, "il n'y a plus d'hommes du tout". Charge qui s'ajoute à la gestion du quotidien telle que la préparation des repas, les soins aux animaux et la tenue de la maison, et rendue d'autant plus délicate que les animaux (chevaux, vaches, chiens) sont réquisitionnés, tout comme d'autres biens tels que les couvertures et le vin... "Que va-t-il nous rester?" On a désormais besoin de tous les bras dans les foyers alors l'école est jugée superficielle, au grand désespoir d'Adèle qui veut devenir institutrice.
Si les nouvelles de la guerre arrivent par bribes (bataille de la Marne en septembre 1914, "l'enfer de Verdun" en août 1916, etc.), les lettres des mobilisés se font rares et "on imagine le pire". Les convois de blessés voire de morts s'enchaînent, touchant toutes les familles... C'est le retour des premiers estropiés qui va en apprendre plus aux villageois sur "cette guerre atroce" : "Nous ne sommes que de la chair à canon" se révoltent les soldats, traumatisés. Dès lors, le 1er novembre prend un goût amer : c'est la fête des "morts pour la France"...
1917 marque l'entrée en guerre des Américains et des premières mutineries, des premières désertions. Adèle devient "marraine de guerre" d'un certain Lucien. La nourriture vient à manquer: "Les soldats n'en peuvent plus, les civils non plus.", "Tout le monde en a assez de la guerre."
Forcément celle-ci "nous change tous". Les familles sont détruites, les couples séparés, les relations évoluent, y compris l'amitié d'Adèle et d'Alette. Les points de vue se modifient, la mère de l'adolescente se montre plus attentionnée et plus émotive, tandis que son grand-père réalise l'intérêt qu'elle fasse ses études d'institutrice pour développer la réflexion et l'esprit critique des gens. Pour Adèle, le changement est aussi sentimental, avec les premiers émois qui aident à supporter 1918 et rendent son 18e anniversaire "différent de tous les autres" !
Enfin "l'armistice est signé", "la guerre est finie!", et il reste à "s'accrocher à la vie puisqu'elle a continué" malgré les pertes et les souffrances...
Patricia Deschamps, novembre 2018