Le garçon en pyjama rayé

roman de John BOYNE

- Je pense que Père a fait une erreur colossale.

- Alors c'est une erreur avec laquelle nous devrons vivre.

Gallimard, 2006, 204 p. (Folio junior)
Gallimard, 2006, 204 p. (Folio junior)

Ce jour-là en rentrant de l'école, le petit Bruno trouve la maisonnée en effervescence : la famille déménage à cause du nouveau travail de Père.

 

Bruno fulmine de devoir quitter, du jour au lendemain, Berlin et ses copains. D'autant plus que la nouvelle maison, nettement moins luxueuse, est en pleine campagne. Avec qui Bruno va-t-il pouvoir jouer ?

 

Et puis le petit garçon ne sait pas précisément en quoi consiste le travail de Père. Les soldats qui envahissent chaque jour son bureau l'appelle "commandant". Par la fenêtre de sa chambre, Bruno a aperçu une haute clôture coiffée de fer barbelé, enserrant des baraquements remplis d'hommes en pyjama rayé...

Mon avis :

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Le camp d'Auschwitz vu par les yeux naïfs d'un garçon allemand de neuf ans à qui l'on masque la cruelle réalité.

 

La visite du "Fourreur" (l'invité le plus grossier qu'il ait connu !), l'installation à "Hoche-Vite" (mais "hoche vite" à qui ?), le salut "Heil Hitler" qui doit être "une autre façon de dire : Au revoir, et bon après-midi" (!)... Bruno ne comprend pas très bien ce qu'il entend autour de lui. Et en même temps, les remarques et les questions qu'il pose aux adultes mettent en exergue les failles de l'idéologie nazie...

Pourquoi Grand-Mère dit-elle que Père s'habille "comme un pantin" lorsqu'il porte son "uniforme épatant" ? Pourquoi Pavel le maître d'hôtel épluche-t-il les légumes alors qu'il prétend être médecin ? Quant à Schmuel, le petit Juif dont Bruno fait la connaissance au cours d'une de ses explorations, il se découvre avec lui des points communs, comme n'importe quels garçons du même âge. Mais pourquoi faut-il qu'un grillage les sépare ? Et tous ces gens enfermés avec Schmuel qui ont "l'air tellement malades"... Bruno a beau s'entendre dire par le précepteur M. Listz et par le jeune - mais impressionnant - lieutenant Kotler que "nous sommes supérieurs", il trouve tout cela bien contradictoire avec ce qu'il ressent au fond de lui. Malgré tout conscient qu'il serait malvenu d'évoquer cette amitié devant les autres, le petit garçon se fait l'effet d'être un lâche... 

 

J'ai découvert le film en même temps que le livre et j'ai trouvé qu'ils se complétaient bien. Il y a des sous-entendus dans le roman qui sont plus clairement exprimés dans l'oeuvre cinématographique. On voit par exemple M. Listz faire lire de la propagande nazie à Bruno. Le réalisateur a aussi fait le choix de transformer progressivement Gretel, la grande sœur du héros, en une parfaite aryenne tapissant sa chambre d'affiches nazies sous l'influence du beau Kotler sont elle est amoureuse. Les personnages des grands-parents sont également plus présents, ce qui accentue les dissensions existant au sein de la famille. Car tout le monde ne cautionne pas l'attitude du père... La mère de Bruno surtout, subit une lente descente aux enfers au fur et à mesure qu'elle découvre ce qui se passe dans le camp (l'odeur atroce qui se dégage quand les cheminées crachent leur fumée noire...). Car la difficulté du roman pour les plus jeunes, c'est qu'il ne donne pas véritablement d'explications puisque l'on est enfermé dans le point de vue de Bruno.

 

Quant à la fin, elle est inattendue mais atroce, particulièrement dans le film qui en accentue le côté poignant. Et surtout elle fait réfléchir à l'arbitraire de la doctrine nazie autour de cette réplique-phare à méditer : "Avec un bon costume, tu entres dans ton rôle", quel qu'il soit...

Patricia Deschamps, mai 2016

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