Oscar Wilde est un écrivain irlandais qui a vécu dans la seconde moitié du XIXe siècle (1854-1900). Célèbre pour ses costumes audacieux et son humour autant que pour ses œuvres, il a été l'idole des milieux mondains de Grande-Bretagne et d'Amérique. Le jeune homme amuse, étonne, parfois choque la bonne société qu'il représente dans ses romans et pièces de théâtre.
Le Fantôme de Canterville est paru en 1891, la même année que le célèbre Portrait de Dorian Gray. Il fait partie du recueil de contes Le crime de Lord Arthur Savile et autres histoires.
Oscar Wilde sera rejeté à cause de sa vie privée jugée scandaleuse: marié et père de deux fils, il a une liaison avec Lord Alfred Douglas qui lui vaut d'être emprisonné en 1895. Il s'exile ensuite à Paris en 1898 où il meurt dans la misère.
Source : édition ci-dessous
Pour en savoir plus : www.oscarwilde.fr/
Tout ça, c'est de la blague !
Mr. et Mrs. Otis, de riches Américains, s'installent en Angleterre avec leurs quatre enfants dans un manoir dont les anciens propriétaires prétendent qu'il est hanté. Les Américains n'en croient pas un mot et prennent possession des lieux sans se soucier de ce fantôme.
Pourtant, ce dernier est bien décidé à les terroriser. Mais que va faire le spectre face à cette famille incrédule ? Parviendra-t-il à effrayer des jumeaux de onze ans qui n'ont peur de rien et ne cessent de lui jouer des mauvais tours ?
(4e de couverture)
Mon avis :
Je ne connaissais pas cette histoire d'Oscar Wilde et je suis agréablement surprise d'y trouver autant d'humour, c'est très différent de l'ambiance du Portrait de Dorian Gray! Le ton est donné dès le premier chapitre, avec des Américains désabusés qui ne croient pas une seconde à la malédiction qui pèse sur Sir Simon de Canterville depuis 1575. Il y a une tache de sang à l'endroit où il a assassiné sa femme? Un peu de détergent, et on n'en parle plus! Les chaînes du fantôme grincent quand il erre dans le château la nuit? Un peu de lubrifiant et c'est réglé! On entend un (pseudo) rire démoniaque? Il faut prendre un peu de sirop mon brave Lord!
Ainsi, toutes les tentatives du fantôme pour effrayer les nouveaux propriétaires sont tournées en ridicule, malgré une longue et historique carrière d'épouvanteur (le "Squelette du Suicidé", "Martin le Maniaque", le "Comte sans Tête"... c'était lui!). C'est même lui qui finit par avoir peur, les jumeaux ne cessant d'imaginer mille façons de le terrifier! Un antique spectre humilié, c'est le monde à l'envers... Et il n'y a que des Américains pour prendre autant à la légère d'ancestrales croyances ("Tout ça, c'est de la blague")!
Le conte met en effet en opposition deux milieux: celui de l'aristocratie victorienne, basée sur la dignité et les traditions; et celui, moderne et matérialiste de l'Amérique républicaine. Les Otis sont méprisants, arrogants, prosaïques ("Que pouvons-nous faire d'une gouvernante qui a des évanouissements? -Il faut les lui retenir sur ses gages"), convaincus de la supériorité de leur pays. Pour eux, le fantôme est le symbole d'une époque révolue. Pour Sir Simon, ils constituent une "affreuse famille, si grossière, si vulgaire".
Et pourtant, la fin, plutôt solennelle au regard du reste de l'œuvre, voit la réconciliation des deux mondes. La petite dernière, Virginia, finit par prendre en pitié le fantôme. Mr Otis se sent "saisi de scrupules". Une prophétie est réalisée et un mariage célébré. L'histoire se termine sur d'énigmatiques paroles: "Sir Simon m'a fait voir ce qu'est la Vie, ce que signifie la Mort, et pourquoi l'amour est plus puissant que l'une et l'autre". Peu importe ce qu'on lui aura fait subir, le fantôme aura conservé une certaine aura de mystère...
Patricia Deschamps, avril 2021