J'ai poussé des cris, beaucoup de cris, (...) parce que je commençais à vouloir "parler", parce que je voulais m'entendre et que les sons ne me revenaient pas. Je savais que je criais, mais les cris ne voulaient rien dire pour ma mère ou mon père. C'étaient, disaient-ils, des cris aigus d'oiseaux de mer, comme une mouette planant sur l'océan. Alors, ils m'ont surnommé la mouette.
Emmanuelle est sourde de naissance. Jusqu'à l'âge de sept ans, elle vit dans la souffrance de l'isolement et aussi la frustration de ne pouvoir communiquer avec les autres. Ses parents, désoeuvrés par sa surdité et nourris de faux espoirs par des médecins incompétents, ne savent pas trop comment gérer son handicap. Placée dans une "classe d'intégration", Emmanuelle a le sentiment qu'on veut la "faire ressembler aux enfants entendants" au lieu de tenir compte de sa différence.
Tout change le jour où le père d'Emmanuelle l'inscrit à l'IVT (International Visual Theatre), le théâtre des sourds de Vincennes : la petite fille y découvre la langue des signes qui lui permet, enfin ! de communiquer avec les autres, et surtout elle se retrouve immergée dans le monde des sourds et ne se sent plus isolée comme auparavant. C'est le début d'un long combat pour faire cohabiter les deux mondes...
Mon avis :
Cette autobiographie est un excellent moyen de nous faire comprendre de l'intérieur ce qu'est la surdité ! Emmanuelle Laborit décrit avec précision et objectivité ce qu'elle a pu ressentir à différentes étapes cruciales de sa vie, sans langue de bois ni victimisation.
Toute petite, Emmanuelle ne comprend pas grand chose à ce qui se passe autour d'elle, les (ré)actions des uns et des autres, les images à la télé dont la mauvaise interprétation lui cause des cauchemars. Elle vit dans le moment présent et surtout se sent très seule. Et puis elle grandit, rencontre d'autres sourds comme elle (notamment à Washington), apprend la langue des signes qui lui permet de construire sa réflexion, et s'épanouit auprès des "gens comme elle". Adolescente, elle vivra plusieurs années rebelles, galvanisées par sa difficulté à faire accepter son handicap. Son combat se poursuivra adulte avec sa passion pour le théâtre.
Malgré un début un peu décousu (certainement dû à l'imprécision des souvenirs d'enfance), ce témoignage est une belle leçon de courage et de détermination ! On est touché par ce que vit "la mouette" au quotidien, mais aussi par sa soif de vivre qui la fait sans cesse reprendre espoir aux côtés de sa famille. Il n’est rien d’impossible à celui qui a vraiment envie !
Patricia Deschamps
Novembre 2013
L'avis d'Anaïs, en 3e :