Le complexe du papillon

de Annelise HEURTIER

Quelle Mathilde serais-je si j'étais papillon ? Aurais-je plus confiance en moi ?

Casterman, 2016, 194 p.
Casterman, 2016, 194 p.

 

Qu'est-ce qui fait qu'une adolescente sportive, a priori bien dans sa peau, va basculer dans l'anorexie

 

Il peut y avoir mille déclencheurs : la mort d'une grand-mère adorée, la réserve d'une mère, le regard des autres, ou de soi-même sur son propre corps, l'envie de plaire, le dictat de la mode, des sites internet... Petit à petit, Mathilde va tomber puis s'enfermer dans sa maladie... 

 

Démunie, son amie Louison refuse de la voir se détruire. Mais Mathilde devra trouver en elle la solution pour résister et s'en sortir.

 

(Texte éditeur)

Mon avis :

"Vous saviez que c'est Cara Delevingne qui a lancé la mode du thigh gap ?" (p.27)
"Vous saviez que c'est Cara Delevingne qui a lancé la mode du thigh gap ?" (p.27)

Une histoire bien menée, qui porte à réfléchir sans être moralisatrice.

D'abord on fait connaissance avec Mathilde, sa passion pour la course, son amour pour sa grand-mère Ama dont elle ne parvient pas à faire le deuil, notamment parce que ses parents, accaparés par leur ferme, n'ont jamais pris le temps d'en parler avec elle. Et puis il y a Jim dont elle est secrètement amoureuse - mais comment lui plaire ? Cézanne, qui a tellement maigri pendant l'été qu'elle en est transformée. Et cette robe bleue qu'elle rêverait de porter au mariage de Prune, la sœur de sa meilleure amie Louison, si belle sur le cintre mais si affreuse sur son corps boudinée... Certes "je ne pouvais pas ramener Ama, faire disparaître la ferme et les canards, changer la façon d'être de mes parents. Ni obliger Jim à tomber amoureux de moi. Mais il y a une chose sur laquelle je pouvais agir : mon apparence". Une perception de soi erronée puisque, comme le fait très justement remarquer Louison, Mathilde a le corps musclé d'une sportive. Une dysmorphophobie qui vient s'ajouter à un mal-être général et qui l'amène à faire un régime : une "méthode Papillon, pour me sentir mieux".

 

Les premiers effets sont effectivement bénéfiques, physiquement (elle bat son record de vitesse) et mentalement : "Je me sens invincible", "Mon corps me semble porteur de promesses et d'espoir". Fière de sa force mentale, Mathilde se sent "supérieure" : "Maîtriser mon corps. Le façonner comme je le souhaite". Mais en parallèle, elle développe des ruses pour feinter ses parents (qui mangent très gras) et se met à mentir, notamment à ceux qui commencent à s'inquiéter pour elle. Car désormais le calcul des calories est devenu une obsession, au point que l'adolescente devient sous-alimentée et que les symptômes s'installent : la fatigue, le froid, la faim... Le manque d'énergie qui rend les "perfs minables" à l'athlétisme, empêche la concentration en cours, fait tomber malade alors que "en temps normal je suis plutôt quelqu'un de robuste". Alors qu'elle souhaitait s'embellir, Mathilde constate "une peau terne" et "des cheveux cassants". Et puis "résister aux tentations, c'est épuisant", on devient agressive voire méchante... au point d'en perdre sa meilleure amie, son plus grand soutien. Alors, n'ayant plus envie de rien, elle sombre dans la dépression.

 

La situation va crescendo jusqu'à un incident précis qui engendre enfin la prise de conscience : "Il faut que je sois moins exigeante avec moi-même". Surtout, Mathilde s'en sortira parce qu'elle est entourée. Réconciliée avec ses proches, elle pourra confier ce qu'elle a sur le cœur, méditer sur tout ce qui la tourmente, prendre du recul et une dernière fois s'inspirer de sa chère Ama : "Ce qu'elle dit, c'est qu'elle aimait la vie".

Patricia Deschamps, novembre 2017



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