Le château des brumes

roman de Kerstin GIER

- Restez décente, polie et toujours à l'arrière-plan.

Milan, 2018, 375 p.
Milan, 2018, 375 p.

Fanny a laissé tomber le bac et s’est engagée comme stagiaire pendant une année dans un hôtel de luxe au cœur des Alpes suisses, où elle remplit diverses missions. Il faut accueillir les richissimes clients, veiller à ce qu’ils ne manquent de rien, occuper leurs enfants. Elle se plaît dans cet univers hors du temps où se préparent les fêtes de Noël. L'un des deux propriétaires, Roman Montfort, n’est pas facile et les jeunes femmes de chambre lui mènent la vie dure, mais elle a déjà noué plusieurs amitiés avec d’autres membres du personnel.

 

Et voilà qu’en surprenant une conversation, Fanny comprend que l'existence de l'hôtel est menacée du fait des dettes accumulées...

Mon avis :

Que diriez-vous de passer les fêtes de fin d'année à la montagne dans un hôtel au charme Belle-Epoque? L'ambiance est prégnante dans ce roman, entre les jeux d'hiver en extérieur (bonhomme de neige, patin à glace, luge) et le côté rétro, chargé de souvenirs, de traditions ancestrales ("comme si le temps s'était arrêté") et de légendes du vieux bâtiment. Au château des Brumes, on fait tout à l'ancienne, avec concierge (M. Rocher), blanchisseur (M. Pavel), portier (Jaromir), maître d'écurie (Stucky) et tout le personnel de chambre et de cuisine. Le récit propose une belle galerie de personnages, adultes comme enfants (et même un "Chat interdit" qui "n'avait pas à être là"!), et l'on ressent parfaitement l'effervescence des lieux. Les clients, huppés, ont parfois de sacrés tempéraments, et il faut souvent faire face à d'agaçants caprices ("J'aurais mille fois préféré rencontrer un véritable fantôme que bien des personnes vivant dans cette maison.")! Mais tous apprécient l'ambiance d'autrefois des lieux. A part M. Burkhardt (et sa tête à claques de fils, Don), qui envisage de racheter l'hôtel avec "sa valise d'argent sale" et de le moderniser à outrance, ce qui lui retirerait son âme. Les frères propriétaires sont ainsi tiraillés entre la volonté de faire perdurer leur héritage et le désolant constat que "il y a belle lurette que les frais de personnel et d'entretien dépassent les rentrées d'argent".

 

La tempête de neige qui s'abat sur l'hôtel renforce le sentiment de huis-clos. En réalité, il ne se passe pas grand chose dans cette histoire qui se concentre sur le quotidien des employés. Fanny, en qualité de stagiaire, est amenée à accomplir diverses tâches et on la suit de la garderie à l'espace bien-être, en passant par la laverie et la réception, à travers tout un réseau d'escaliers de service et de portes dérobées qui font des lieux une merveille de mystère. Il y a en d'ailleurs quelques-uns par-ci par-là, un bijou dérobé puis retrouvé, des enfants qui disparaissent (kidnappés?) quelques heures... Cependant on ne comprend pas tout de suite que ces micro événements sont en fait liés. Ils sont plusieurs parmi la clientèle à ne pas être ce qu'ils prétendent... A commencer par Tristan le beau gosse avec qui Fanny s'est liée "par hasard". Les derniers chapitres apportent une dimension policière au roman, ce qui est inattendu mais plutôt palpitant. L'auteur n'oublie pas les sentiments puisque l'héroïne est également très complice avec Ben, le fils de l'un des hôteliers, qu'elle rêve d'embrasser...

Et quand le surnaturel s'en mêle, on se dit que Fanny nous aura fait passer "un Noël tout sauf ennuyeux", et c'est avec regret que l'on referme les portes de ce château enchanteur.

Patricia Deschamps, décembre 2019


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