Le blé en herbe

roman de Sidonie-Gabrielle COLETTE (1873-1954)

Comme tous les étés, Vinca et Philippe passent leurs vacances ensemble en Bretagne, dans une maison en bord de mer louée par leurs parents. Mais cet été-là, leur amitié se transforme en amour grandissant et cette sensation vient troubler leur naïveté d'enfants. De la complicité qui les unissaient, il ne reste que souffrance, incompréhension et trahison. Ils quittent peu à peu le monde de l'enfance et découvrent les tourments de l'adolescence.

(4e de couverture)

Mon avis :

Je suis contente d'avoir relu ce classique découvert à l'adolescence, et qui parle d'adolescence. L'ambiance estivale est prégnante, l'autrice faisant beaucoup appel aux sens dans ses descriptions: le souffle de la mer, l'arôme du blé battu, les effluves de fleurs et les cris des oiseaux... Même si je ne connaissais pas la plupart de la faune et de la flore évoquées et que j'ai eu du mal avec les propos souvent sibyllins de Colette (elle utilise beaucoup de métaphores et de circonvolutions), on s'y croirait!

Et en même temps, ces vacances bretonnes n'ont pas pour Phil et Vinca la légèreté habituelle. A 15 et 16 ans, ils sont à un moment charnière de leur vie entre "hâte de vieillir" et incertitudes face à l'avenir. Philippe, surtout, s'impatiente de devenir un homme et en même temps, s'inquiète des étapes à venir, le bachot, le service national, le métier à choisir. Il vit très mal "le long et dur passage de l'adolescence", pressentant que cet été est le dernier de l'innocence et souffrant du poids de la séparation à venir qui plane sur Vinca et lui.

La jeune fille semble se poser moins de questions. Sa mère (horreur!) n'envisage rien d'autre pour l'instant que de la garder à la maison d'ici qu'elle se marie dans quelques années (avec Philippe?). Le père (bien!) doute qu'une telle personnalité, une telle énergie, puisse se contenter de tâches ménagères. Curieusement Vinca n'a pas d'opinion. On la sent encore dans l'enfance, à jouer sur la plage, se baigner et attraper des crevettes. Malgré tout, "une Vinca nouvelle, pleine d'une insolence voluptueuse, coquette et séductrice", est en train de poindre. Et elle fascine Phil.

Malgré tout, c'est vers la Dame en blanc que son désir naissant le tournera. Mme Dalleray représente à ses yeux la sensualité, qui vient s'opposer à la pureté de Vinca. L'une est sophistiquée et distante, l'autre sauvage et spontanée. Phil est tiraillé entre les deux.

S'il est le premier à mettre le pied dans le monde adulte, c'est Vinca qui, au bout du compte, fera le plus preuve de maturité malgré la trahison de son compagnon de toujours pour qui "Je ne serai la première en rien!". Cet été se terminera dans la souffrance, dominé par le sentiment mélancolique de l'enfance qui s'envole.

Patricia Deschamps, juillet 2021

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