Moi, j'ai fait ma part. J'ai lancé l'alerte.
César a vite compris: l’énorme 4x4 qui a failli le tuer alors qu’il faisait du vélo et les intimidations du conducteur; les tags d’insultes sur le mur de sa maison... Sa mère convoie des camions-citernes pour la SEGIKA, la grande firme chimique de la région, et elle vient de poster une vidéo où elle déversait sur ordre, en pleine nature, de dangereux polluants. Le scandale éclate. César est mis à l’écart par la plupart de ses copains – dont les parents travaillent pour la SEGIKA. Associations et médias s’emparent de l’affaire. L’adolescent est perdu ; c’est qu’il aime Lou-Ann, dont le père est un cadre dirigeant de la firme. Il vacille psychologiquement – avant de se décider à agir...
Mon avis :
Tout comme pour "Polar vert", je profite de l'organisation d'une "semaine verte" au collège pour découvrir ce roman reçu en spécimen et le présenter dans mon expo spéciale écologie.
On démarre avec le point de vue de César dont la mère, chauffeure chez SEGIKA, est huée pour avoir divulgué les activités polluantes de l'entreprise (on lui a demandé de déverser de l'acide en pleine nature). C'est pourtant un acte courageux: elle a fait passer son éthique avant son emploi.
Le problème, c'est que l'usine fait vivre de nombreuses familles ("Ici, les gens mangent SEGIKA, dorment SEGIKA, pensent SEGIKA. A part elle, il n'y a rien."). La mère de César devient donc la cible des habitants (ils taguent des insultes sur le mur de la maison, cassent un carreau, empoisonnent son chien...) et le centre des médias.
J'ai trouvé cette première partie très rythmée et fluide.
Ensuite, on adopte le point de vue de Lou-Ann, la petite amie de César, et l'action se tarit. On est davantage dans l'introspection: Lou-Ann étant la fille du directeur de SEGIKA (ce qui n'a pas facilité son intégration au lycée), elle tente d'envisager la situation avec objectivité, ce qui n'est pas simple. Se confrontant à son père, elle prend conscience du poids des actionnaires ("Ces types en costard-cravate qui raisonnent une calculatrice à la main et oublient que, derrière, des hommes et des femmes bossent pour gagner une misère."). Pour autant, cela ne justifie pas "que l'on déverse du poison dans la nature": la contamination des nappes phréatiques va avoir de graves conséquences sur la santé des habitants...
Mais comment faire tomber l'usine sans mettre directement en cause son père? A moins qu'il soit réellement impliqué... Un bref retour à César montre qu'il est difficile de trouver une solution viable pour tout le monde. Dans l'épilogue, c'est par la voix de Dramane, meilleur ami des héros, que l'on découvre, quelques mois plus tard, les changements profonds dans leurs vies respectives qu'ont entraîné l'affaire. Une issue douloureuse mais nécessaire.
Patricia Deschamps, mars 2025