Quand j'écris, c'est incompressible.
Ambre, 9 ans, est dyslexique. L’orthographe n’a rien de logique, et les lettres qui se mélangent sans cesse, quel enfer… !
Après trois années de scolarité en dents de scie, ses parents décident d’inscrire Ambre en CM1 dans une nouvelle école censée être très attentive aux élèves dyslexiques. Catastrophe ! Non seulement son institutrice est psychorigide, mais en plus elle se retrouve dans la classe de Morgane, qui était sa pire ennemie en maternelle !
Pour autant, Ambre ne se laisse pas abattre et elle entame une longue correspondance avec son frère aîné qui, peu à peu, va lui redonner confiance et goût d’écrire.
Mon avis :
Un livre très dynamique, autant dans la forme que dans le contenu, pour mieux comprendre ce qu'est la dyslexie.
C'est un mélange de correspondance avec son frère, de récit passé (comment la dyslexie a commencé à se manifester dès le CE1) et présent (sa difficile rentrée en CM1) ainsi que de dessins en couleur que nous propose la petite Ambre afin de mieux appréhender son monde si particulier. La dyslexie, c'est quand "l'ordre des lettres dans les mots se mélange" sans qu'elle comprenne pourquoi ("Je croyais qu'il y avait un problème avec mon stylo" !), que les lettres "dansent" au lieu de se fixer, que le côté arbitraire de l'orthographe lui échappe (tous ces "mots invivables"), que les règles de grammaire et leurs nombreuses exceptions s'embrouillent ("Pourquoi est-ce que c'est comme ça et pas comme ci?"). Comme on la comprend! Déjà que sans avoir de difficultés particulières, le français semble compliqué...
Alors dès le CE1, "la langue française et moi, on est entrées en guerre" ("Y'a qu'à voir: dans "dictateur", on entend "dictée", c'est pas pour rien"). Malgré des efforts de concentration qui la fatiguent beaucoup, Ambre a le sentiment que "tout le monde est dans la lecture, dans l'écriture, et moi je suis en dehors de tout ça". Pourtant il a un petit côté poétique "le dico ambrais de la langue française", avec ces "mots que tu inventes ou que tu confonds" (et qui sont indiqués en marge du texte par un dessin d'Arthur). La confusion a sa logique, joue sur le double sens des mots : "C'est un névralgique de l'enfance" (son enfance lui manque, c'est un point sensible), "se poser des questions crucielles" (les moments cruciaux sont souvent cruels), ou encore ressortir "dénormalisés du rendez-vous avec la maîtresse" (avec le sentiment de ne pas être normale, ce qui est démoralisant).
A travers le personnage de celle-ci, on comprend combien le regard de l'enseignant(e) sur la situation est primordial : "est-ce que l'école ne peut pas respecter les programmes tout en respectant les différences des enfants?". A force de nier les difficultés d'Ambre et surtout de dévaloriser ses moindres efforts, la maîtresse l'entraîne dans une spirale descendante qui, en malmenant son estime de soi, se répercute sur sa confiance en soi et ses relations avec les autres, ce que la fillette appelle "la vraie vie de l'école", celle qui se passe en dehors de la classe. Pourtant Ambre est sensible à "la musique de la langue", à la poésie des mots et, dotée d'une grande imagination, elle adore écrire, ce qu'elle fait même plutôt bien ("J'ai adoré lire ce que tu as écrit")! Il est désolant de voir comment l'école peut tuer tout enthousiasme, tout plaisir, toute curiosité, quand les besoins particuliers des élèves ne sont pas considérés...
Et c'est bien là la conclusion de l'histoire: Ambre a une façon différente de penser ("On trouve d'autres chemins et on y arrive quand même"), une "compréhension différente des mots", mais "même si je suis dyslexique, la langue française coule dans mon cerveau". Elle a juste besoin de petits aménagements pédagogiques! Soyons réalistes: rien ne sera jamais simple, mais "le truc, c'est de ne pas rester bloqué" !
Patricia Deschamps, septembre 2019
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