La sorcière de la rue Mouffetard
Il y avait une fois une vieille sorcière, affreusement vieille, et laide, mais qui aurait bien voulu passer pour la plus belle fille du monde! Un beau jour, en lisant le Journal des sorcières, elle tomba sur le communiqué suivant : "Madame, vous qui êtes vieille et laide, vous deviendrez jeune et jolie ! Et pour cela : mangez une petite fille à la sauce tomate !" Or, il y avait dans le quartier une petite fille qui s'appelait Nadia. "Il faut que je mange Nadia", se dit la sorcière.
Le géant aux chaussettes rouges
Il était une fois un géant qui avait des chaussettes rouges. Il était haut comme trois étages et vivait sous la terre. Un beau jour, il se dit : "Je vais faire un tour là-haut et tâcher de me marier." Sitôt dit, sitôt fait : il fit un grand trou dans la terre au-dessus de sa tête... mais par malheur, il déboucha au milieu d'un village, dans la maison d'une jeune fille qui s'appelait Mireille. Le géant attrapa la jeune fille et la regarda de près : "Comment t'appelles-tu ? - Mireille. - Mireille, je t'aime. Je voudrais t'épouser. - Pose-moi d'abord à terre, et je te répondrai." Le géant la posa par terre, et Mireille s'enfuit à toutes jambes en criant : Aaaaaaaaaaah !
La paire de chaussures
Il était une fois une paire de chaussures qui étaient mariées ensemble. Elles habitaient une belle boîte en carton. Mais voilà qu'un beau matin une vendeuse les sortit de leur boîte afin de les vendre à une dame. C'est ainsi que les deux chaussures marchèrent toute une journée sans se voir l'une l'autre. Le soir seulement, elles se retrouvèrent dans un placard obscur. "Quand je suis en avant, tu es en arrière, et quand je suis en arrière, tu es en avant ! Mais j'ai une idée : chaque fois que j'avancerai, je ferai en même temps un petit écart de ton côté afin de te dire bonjour." De sorte que, tout au long du jour suivant, la dame qui portait les chaussures ne pouvait plus faire trois pas sans que son pied droit vienne accrocher son talon gauche, et plaf ! à chaque fois elle s'étalait par terre.
Egalement dans ce recueil : Scoubidou, la poupée qui sait tout / Histoire de Lustucru / La fée du robinet / La
sorcière du placard aux balais
Mon avis :
C'est ma fille Anaïs (8 ans) qui m'a fait redécouvrir ces sympathiques contes que j'avais lus il y a quelques années. Chaque soir, nous nous sommes payées de franches rigolades à se raconter ces petites histoires très drôles qui n'ont pris aucune ride (le recueil a été publié pour la première fois en 1966) !
A ne pas manquer aussi du même auteur : la petite pièce de théâtre humoristique Inspecteur Toutou.
Patricia Deschamps, mai 2013
L'avis d'Anaïs :
Le géant aux chaussettes rouges, c'était génial ! Le moment que j'ai préféré, c'est quand le géant dit au blanchisseur : "Pourrais-je récupérer mes chaussettes rouges? - Je n'ai pas de chaussettes rouges... Ce sont des sacs de couchage !" Trop drôle !
J'ai bien aimé aussi l'histoire des chaussures amoureuses avec la dame qui se donne des coups de pied chaque fois que les chaussures veulent s'embrasser !
Et le pauvre Lustucru avec son prénom ridicule ! C'est lui qui a conquis la Gaule mais c'est le nom de Jules César que tout le monde a retenu... Je crois que vous devriez vraiment lire La sorcière de la rue Mouffetard !
L'avis de Catherine, prof doc :
Lus il y a très longtemps mais étant déjà adulte, certains dans leur version théâtrale et mis en scène avec des collégiens, je les ai re-parcourus avec bonheur.
Destinés, selon l'auteur dans sa préface, aux personnes qui « aiment les histoires » ces contes nous font retourner directement en enfance où toute part de réalisme est ôtée, mais où la peur côtoie la grande tendresse, où l'étonnement rivalise avec la crédulité. Ces contes fourmillent de bons mots, de tours joués par un personnage à un autre, d’événements magiques… Il s'agit de vrais contes de fées même si l'on y croise plus souvent des sorcières.
Ces contes sont toutefois localisés en plein Paris, dans un quartier précis longuement dépeint par Gripari dans la préface. On sent l'amour de l'auteur pour ces lieux qui sont ses racines. Le parti pris de l'auteur est clair et irrévocable : c'est celui du narrateur pour les enfants qu'il comprend et avec lesquels il a une grande complicité.
Je n'ai pas de conte préféré, tous me plaisent et j'aime à les relire, m'attardant chaque fois sur un détail différent. Ils m'étaient apparus très scéniques et cette fois c'est leur côté très picturaux, imagés, que je retiens. Et chaque fois le plaisir des mots qui composent les histoires. Publiés pour la première fois en 1966, ils sont indémodables !
Avril 2019