La princesse de Clèves

adaptation BD de Claire BOUILHAC et Catel MULLER

- Ne vous fiez pas aux apparences. Ce que disent les gens n'est que rarement ce qu'ils pensent.

Dargaud, 2019, 215 p.
Dargaud, 2019, 215 p.

 

La Princesse de Clèves est un roman écrit en 1678 par madame de Lafayette.

 

 

La jeune Mademoiselle de Chartres fait ses premiers pas dans la cour du roi de France, Henri II. Entre cabales, médisances et galanteries, elle rencontre l'amour dans un univers pétris de conventions et retourne à son avantage les idéaux féminins stéréotypés de l'époque (la solitude, le silence, le secret, la retenue, la décence et la discrétion).

Mon avis :

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Je ne garde pas un bon souvenir du roman, mais comme j'aime ce que fait Catel (notamment les biographies de Kiki de Montparnasse et Joséphine Baker, et plus récemment, Le monde de Lucrèce), j'ai eu envie de me replonger dans l'histoire de mademoiselle de Chartres sous la forme de cette bande dessinée. Bon en réalité Catel n'a dessiné que le prologue et l'épilogue (qui établissent un parallèle entre l'auteure et son héroïne)... Pour ce projet elle s'est concentrée sur la mise en scénario. Le graphisme est néanmoins réussi (bien que certains visages m'aient semblé un peu bancales), le décor et les costumes de l'époque (le 16e siècle) nous plongeant parfaitement dans la cour de Henri II. Par contre il est parfois difficile d'accrocher à la langue de Mme de La Fayette, dont les tournures de phrases m'ont souvent paru obscures... D'autant plus que les personnages sont nombreux et qu'il n'est question dans le début du récit que d'intrigues de cour, de jeux de séduction ("galanteries") plus ou moins interdits (la plupart de ces nobles sont mariés), de cachotteries et de trahisons. On finit par s'y perdre! Cependant il est aussi question d'amour dans un monde où toutes les unions sont arrangées et en ce sens, l'héroïne, belle, discrète et prévenante ("la seule femme au monde qui préfère la campagne à la cour!"), est parfaitement campée. Désolée de ne pas ressentir de passion pour son mari qu'elle apprécie néanmoins fortement, elle a le coup de foudre (réciproque) pour le jeune et séduisant Duc de Nemours, et fait de son mieux pour cacher ses sentiments, par respect pour son mari.

 

La seconde moitié est plus facile à suivre, essentiellement parce qu'elle se concentre sur la dimension sentimentale. Il y a plusieurs jolies scènes, comme celle, pleine page, où la princesse de Clèves avoue à son mari des sentiments pour un autre contre lesquels elle lutte loyalement (et sa confession a sûrement pour but de tenir sa parole): "Je veux rester digne de vous. Si j'ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions". J'ai par ailleurs trouvé très drôle la scène où la reine dauphine fait part de la rumeur qui le concerne à un de Nemours faisant l'innocent... en présence de Mme de Clèves! Belle construction en miroir également autour des monologues des deux principaux protagonistes pérorant sur la situation (p.137-138). Toutes ces scènes mettent en avant la vertu de la princesse de Clèves, qui est toute à son honneur. 

 

Cependant on tombe par la suite dans une sorte de torture morale un peu affligeante. Le prince de Clèves est mort et (une fois la période de deuil respectée) il n'y a plus d'obstacles à l'amour entre la princesse et Nemours. Cependant celle-ci continue de tergiverser, culpabilisant de ne pas avoir su aimer son mari, mais en même temps se disant que "peut-être que sa passion a subsisté parce qu'il n'en a pas trouvé chez moi en retour"... Elle rend Nemours responsable de ce décès, parce que son mari n'a jamais cru que leur relation était restée platonique. Et surtout, elle craint qu'une fois le mariage réalisé, les sentiments de Nemours s'éteignent... Bref elle préfère se laisser dépérir de "langueur" amoureuse, repoussant toutes les tentatives des uns et des autres, plutôt que de s'abandonner au bonheur. Du coup ce qui suscitait notre admiration au départ se mue en consternation.

Bref, une adaptation réussie mais qui ne me réconcilie pas pour autant avec Mme de La Fayette!

Patricia Deschamps, octobre 2019


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