Certains naissent au bonheur sans nuage,
et certains naissent à une nuit qui ne finit pas.
C’est sur « l'Arpent du Gitan » que Michael Rogers a décidé de construire la maison de ses rêves et d’y vivre avec Ellie, l’amour de sa vie, qu’il vient d’épouser. Mais les mauvaises langues affirment que des romanichels ont jeté un sort sur cette lande qui fait face à la mer. Sorcellerie, magie, superstitions… la reine du crime et de la logique triomphante a préféré convoquer les esprits, des forces invisibles et maléfiques, pour nous faire frissonner.
(4e de couverture)
Mon avis :
Je suis un peu déçue par ce roman que la quatrième de couverture annonçait comme fantastique avec une histoire de malédiction gitane. S'il existe une "méfiance envers je ne sais qui et je ne sais quoi" tout au long du récit, il ne s'y passe rien de surnaturel.
L'intrigue est longue à se mettre en place: il faut attendre près de la moitié du livre pour que le jeune couple emménage dans leur maison construite sur une propriété soi-disant maudite. Pendant cette première partie, on fait connaissance avec le monde conventionnel et exigeant d'Ellie, la "pauvre petite fille riche". Toutes sortes de personnages plus ou moins fiables évoluent autour de la riche héritière: sa belle-mère Cora, une "garce hypocrite"; l'oncle Frank, "jovial parasite" toujours en manque d'argent; Andrew Lippincott et Stanford Lloyd, les deux curateurs chargés de veiller sur sa fortune; le mystérieux cousin Reuben; et l'influençante Greta, assistante et amie dont tout le monde semble se méfier.
L'attitude dictée par le rang social, la corruption des classes riches: tout cela est nouveau pour Mike issu d'un milieu modeste et qui vivotte de petits boulots ("Tu as trop de gens sur le dos. Qui te tournent autour. Beaucoup trop de gens qui attendent de toi monts et merveilles mais qui se soucient de toi comme d'une guigne"). On sent bien que la situation d'Ellie a un rapport avec les événements à venir et une certaine tension plane sur le bonheur des amoureux. Les menaces à répétition de la vieille gitane n'arrangent rien, tout comme les propos sibyllins de Santonix l'architecte.
Mais c'est bel et bien à une enquête policière que l'autrice nous mène dans la troisième et dernière partie. La pierre qui a fracassé la vitre et le cadavre d'oiseau sur la terrasse sont des indices bien réels (bien qu'inutiles). La mort qui survient, au premier abord accidentelle, trouvera une explication rationnelle. Ce n'est qu'à la toute fin qu'Agatha Christie nous bluffe une fois de plus avec une pirouette littéraire parfaitement inattendue. Et même si ce roman ne m'a pas emmenée là où je le pensais, je reste séduite par son écriture fluide et addictive, ainsi que par sa trame narrative si bien ficelée.
Patricia Deschamps, octobre 2021